Au début, j’étais bien là-dedans. C’était humide, chaud, doux. Confortable. J’étais comme isolé, mais en même temps relié. J’entendais des sons, mais ne voyais rien, dans mon cocon. De la musique, je crois. Oui, c'érait ça, que j'entendais. Et puis d’un coup, mais doucement tout de même, ce fut comme si mon cocon se mouvait délicatement, sur un rythme plutôt régulier, lentement, langoureusement. La rthme de cette musique. Cela arrivait souvent, que mon monde se mette à bouger. Tantôt rapidement, surtout au début, tantôt paresseusement. D’un coup vint quelque chose de plus fort que d’habitude. Je dirais même beaucoup plus. Comme un coup, dans mon cocon. Les "autres mouvements" avaient cessés. Interrompus. Je sentais quelque chose se rapprocher. Une échéance maintenant proche et importante. De nouveaux gestes, précipités. Ca me secouait, c’était désagréable. J’entendais des voix, la musique ayant cessé un peu plus tôt. Tout redevint tranquille, sauf les voix, qui ne cessèrent pas. Quelques temps, des heures sûrement se passèrent avant que je ne sorte enfin entièrement de mon si doux cocon. Je n’avais jamais imaginé qu’il y avait quelque chose d’autre que cette chaleur rassurante. Celle que j’appellerais plus tard Maman, elle avait souffert si j’en croyais ses cris passés. Lui ais-je fait du mal ? Désolée, dans ce cas, je ne le voulais pas. L’on me déposait dans ses bras, déjà elle me rappelait mon cocon. Il est si agréable d’être enveloppé de ses deux bras. Il me semblait que mon père était là, je croyais percevoir la voix rassurante qui était la sienne. Ils apprirent que j'étais une fille. Quelques jours passèrent avant que l’on autorise mes géniteurs à me ramener à ce qu’ils se plaisaient à appeler "la maison". Toutes ces couleurs, c’était beau. Le vert de l’herbe, le bleu du ciel. Le rouge des roses et le jaune sur ce papillon, là. Le violet du t-shirt de Maman. J’avais cru que je regretterai mon confortable cocon, mais cet endroit où je me situait était beau. Je voulais le découvrir…
« Emilie ! Je suis prête, nous pouvons partir ma chérie. »
Oui, je m’appelle Emilie et j’ai aujourd’hui onze ans. J’ai grandi, depuis ce 2 mai 1996, si bien que je mesure actuellement un mètre cinquante deux. Ma mère m’attend, nous allons passer toute la journée ensemble. Ce que j’apprécie peut être le plus chez elle, c’est que malgré toutes nos différences, aussi bien de style d’habillement, de type de musique, etc, elle me respecte, elle est fière de moi, elle m’aime, et elle m’encourage dans mes choix. Nous sommes très complices et je ne pense pas que ce soit donné à tout le monde.. C'est dommage.
Je descends les escaliers, la salue d’un baiser sur la joue droite, sort de la maison, mon petit sac bandoulière pendant à côté de ma hanche, et je l’attend devant le petit muret de briques peintes qui encadre notre coquette maison. Je lui prends la main et nous nous dirigeons vers l’arrêt de bus qui nous fera quitter le quartier résidentiel pour s’enfoncer un peu plus dans la ville.
Je me souviens de cette petite fille, qui courait à travers ce grand jardin à la pelouse verte de gaieté et aux fleurs odorantes, déguisée en princesse, un diadème posé sur sa longue chevelure foncée. J’avais quatre ans. Mon père était là, maman au creux de ses bras. Elle était heureuse, je crois. Un sourire accroché aux lèvres, elle observait sa petite fille, jouer avec le chat, désormais. Elle riait. Cet enfant était un vrai rayon de soleil dans sa vie. Sa famille était son bonheur, sa plénitude. L’enfant grandissait et s’affirmait doucement. Ma mère - qui était devenue veuve entre temps, à la suite d’un accident de voiture où mon père fut fauché par une voiture emplie de jeunes gens ivres, est mort sur le coup – m’encourageait à devenir quelqu'un, à devenir moi. Je la consolais, du mieux que je pouvais. Elle avait beaucoup aimé mon père elle avait cru au vrai bonheur quelques années, puis on le lui avait vulgairement retiré. Elle se raccrochait à moi, j’étais ce qui l’empêchait de sombrer, je crois. C’est mon rôle, de la tenir en vie. Pour elle, pour moi, pour tout ce qui pourrait améliorer ce monde. J’étais et je suis sa petite fille. Elle est belle et forte, maman. Ses cheveux couleur de caramel sont longs, mais jamais attachés. Ils tombent en cascade sur ses épaules, jusque dans le bas de son dos. Ses yeux couleur noisette portent un regard pointé d’un peu de tristesse, d’amour et de beaucoup d’espoir. Elle est fière de voir que je ressemble beaucoup à son défunt époux. Mes grands yeux aux reflets multicolores. Tout dépend du temps, et de mon humeur. De la coileur des vêtement que je porte, aussi. Mes cheveux noirs, épais, coupés court, au dessus des épaules. Oui, mon physique est tiré de lui. Ma façon de vivre, de penser et d’être, par contre est plus similaire à la sienne, à elle. Ce qui est normal, après tout. Elle m’a élevée et je n’ai malheureusement grandi qu’avec elle.
Mes yeux entourés de khôl noir, sont pleins d’étoiles. En revenant chez nous, après notre journée de shopping dans les meilleurs magasins de la capitale, à nos yeux, il faisait déjà nuit. En entrant dans la maison vide, je ne me doutais de rien, bien sûr. Ce n’est qu’en allumant la lumière du salon, après avoir déposé mes divers sacs dans le noir de la cuisine, que je me suis cru assister au scénario classique de tout film américain empli d’adolescentes aux voix tellement coulantes que l’on croirait qu’elles ont avalé un peu de miel entier chacune, avant de parler – ce qui est théquniquement impossible, car ça les ferait grossir –, en cas d’anniversaire. C'est-à-dire que les deux cent amies de la jeune héroïne concernée sautent d’un coup en criant « Happy Birthday ! », que l’héroïne fait semblant d’être surprise et si heureuse qu’on ai pensé à elle, alors qu’elle s’y attendait depuis des semaines, et qu’elle aurait fait la gueule à tout le monde si elle n’avait pas eu le droit à sa fête, que la pièce est décorée de fond en comble de guirlandes et de banderoles, en tout genre qu’une montagne de cadeaux s’amoncelle dans un coin, et qu’un immense gâteau dégoulinant de sucre rose pâle est dressé sur une table, au milieu de tout cela. A l’exception peut être, que dans mon cas, ce ne sont que mes trois vraies amies, les seules à qui je fais confiance, qui viennent me serrer dans leurs bras, m’embrasser et nous rions durant quelques minutes. La pièce, elle est restée simple, telle que nous l’avons redécorée avec maman, il y a environ six mois, et comme je l’aime. Celle-ci nous observe d’ailleurs, adossée à l’encadrement de la porte, un sourire heureux aux lèvres.
Oh mon dieu, je voudrais toujours la voir sourire ainsi.