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Elle marchait, comme toujours, elle marchait s'enfonçant dans l'obscurité, la pénombre lui rongeant les pieds, jusqu'à ce que ce soit son corps tout entier qui y passe. L'air frais lui caressait le visage, lentement, légèrement et elle ferma les yeux tellement la sensation était douce et plaisante. Sur ses joues rosies, elle sentait l'air se poser, récupérer son souffle et repartir. Elle aimait bien cette sensation. Et puis elle s'éloigna encore et s'enfonça dans le bois. Le bois de la peur. Le bois de la terreur. Elle fit volte face lorsqu'elle entendit un craquement, léger mais bref. Crac. Comme un simple appel au secours interrompu par quelqu'un. Crac. Elle tourna autour d'elle et ne vit personne. Rien. Pas même un minuscule animal, seulement des arbres, encore des arbres qui l'entouraient. Elle tournait en rond, elle le savait bien, alors elle se posa en tailleur contre un arbre et attendit que le temps passe, s'enfonçant un peu plus dans la terre. En levant la tête, elle put apercevoir quelques étoiles, dispersées selon les vides que laissaient paraitre les arbres démesurés. Elle aurait voulu les compter mais on lui avait toujours interdit de le faire. Toujours. Alors elle se résigna et se réfugia dans ses pensées, ses réflexions, ses souvenirs. Elle voyait sa vie tourner autour d'elle. Tournait, la merveilleuse destinée. Tournait, la belle chance. Tournait, le vieux passé. Toute sa vie tournait. Elle se surprit à penser aux plaisirs enfantins, la fine moustache blanche que laissait le lait du petit-déjeuner, la satisfaction de poser ses deux pieds sur des pédales, ses mains sur le guidon et pédaler, la douceur du bonbon qui se découvre fondant entre le palais et la langue. Tous ses plaisirs espiègles et malicieux. C'était d'une puérile arrogance dont elle faisait preuve en pensant à cela. Elle secoua la tête mais tout tourna d'avantage. Toute sa vie tournait, comme un vieux disque rayé. L'enfance, l'innocence de l'enfance. Elle ne nous quitte jamais, toujours à se faufiler dans n'importe laquelle de nos journées et quelle misère qu'elle nous fait vivre, quelle bonheur qu'elle fait durer ! Hannah se leva et se mit à courir, chantant la comptine de son enfance, lointaine. Ses pas ralentirent pour finalement qu'elle se mette à sautiller. Gambader, voila ce qu'elle faisait. Crac. Et elle ne se retourna même pas, parce que le loup n'existe pas, on lui a toujours dit. Gambader. Parce qu'on ne recule jamais devant les souvenirs de l'enfance, et encore moins devant cette innocence. Sa vie tournait comme un vieux disque rayé, Tom l'avait fait tombé. Rayé, grâce à une triste engueulade.