[T] Sur un banc, tu m'as dit ...

Épilogue

Georg raconte, un soir, esseulé, dans sa chambre.

Hannah et Bill
sont séparés ...

Elle est partie à Berlin,
retracer la vie de Lyra.

Et moi, je suis parti avec le reste du groupe
en tournée.
Une tournée longue et épuisante,
mais nous rendant euphoriques.

Nous avons besoin de temps
pour nous faire à l'idée ...
que nous ne verrons plus Lyra.

Cette petite merveille
qui enchanta notre monde mélancolique,
parsemant, égrenant dans son sillage,
une étrange mélodie de douceur.

Elle fut notre minuscule bout de bonheur,
une parcelle d'amour,
une folie de la vie.

Je sais que je n'ai jamais été très sensible,
mais avec Elle,
c'était différent.

Je n'étais plus un simple bassiste,
un personnage creux et vide ...
J'étais enfin moi.

Lors de nos nombreuses rencontres
avec Hannah, Bill, Tom et Gustav,
on discutait beaucoup.
Elle m'a fait parler de moi-même,
m'a fait découvrir une partie de moi ...
jusque-là insoupçonnable.

Je ne savais pas que j'étais aussi refermé,
si introverti.
Je ne savais pas que la solitude qui m'enveloppait
m'avait endurci.
Je ne savais pas que l'ennui de mon enfance
était simplement dû à un manque, un vide.
Un néant.
Laissé par mes parents.
Délaissé par mes camarades.

Je ne savais pas que c'était le groupe qui m'avait sauvé.
Eux,
se préoccupent de moi.
Ils me portent dans leurs coeurs,
profondément ancré dans leurs vies.
Je suis leur grand frère,
leur modèle,
leur référence.

Et c'est Lyra la première
qui me fit voir toute l'affection qu'ils me portaient.
Et c'est également elle qui me poussa
à leur ouvrir mon coeur,
refuge des pensées.

Lyra, tu seras toujours là,
dans ma tête,
mes réflexions gravitant autour de toi.
Tu seras toujours celle à qui je pense nuit et jour.

Car vois-tu, je t'aime.
Je t'aime comme une soeur,
comme une mère tant attendue.
______________

Gustav est moins sombre,
moins triste,
et je le surprends parfois
à chantonner comme avant.

Je crois qu'il a toujours su
que Lyra allait plus ou moins disparaître.
Cela ne le bouleverse pas,
ìl en paraît même serein.

C'est le cours naturel des choses

On ne peut reprendre à la mort,
ce qu'elle nous a pris.

L'esprit tourmenté de Tom s'est calmé.
Il a accepté vaillamment la fin
de sa bien-aimée.

Mais encore dans sa voix,
pointe l'espoir de la revoir,
réapparaître,
esquissant un de ses sourires
dont elle seule connaît le secret.

D'ailleurs c'est bien ce qui nous manque le plus ...

Mon coeur enfle,
ma poitrine s'opprime ...
Les sanglots surviennent,
et, solitaire au plus profond de la nuit,
j'étouffe mes pleurs dans mon oreiller.

*Le ver de terre amoureux d'une étoile*

Hannah à Bill.

Bonjour ange de l'imprévu,
aux ailes parsemés de joyaux de liberté ...

J'espère que tu te portes toujours aussi bien, que ton coeur vit chaque seconde de ton éternel voyage à travers l'Europe.

Aux dernières nouvelles, j'étais à Berlin; mais me voici à Salt Point, New York.
Je suis revenue sur les pas de Lyra, j'ai surgit dans le passé inconnu de notre fée.
Un souffle étrange m'a poussée vers cette lande abandonnée, verdoyante et propice à la flânerie.
Après de nombreuses recherches en tous genres, j'ai appris que Lyra était une américaine, née de parents allemands.
À trois ans, elle est revenue en Allemagne.
En rencontrant d'anciens voisins, j'ai aprris beaucoup de choses.

Sais-tu que notre joli brin de gaieté a beaucoup souffert de solitude ?
Sais-tu qu'elle endurait quotidiennement les injures des autres ?

"Sale américaine, rentre chez toi ! "

Elle ne comprenait pas,
pourquoi tant de haine ?
Pourquoi ?
Qu'avait-elle fait ?
Est-ce un tort de venir d'ailleurs ?

Moi-même, je me le demande.
Reviens-moi vite,

Hannah.

Han',
ton parfum aux mille épices,
aux mille trésors me hante encore.

Je la sens dans mes vêtements,
dans mon coeur,
dans ta lettre.

Oui, en effet, je vais bien.
Je suis même au comble du bien.

la vie n'est pas simple, mais elle continue.
La satisfaction va et vient,
je suis au coeur d'une mêlée gigantesque.

Chaque soir je m'endors sur le sentiment
que j'aurais dû être avec toi.
Et chaque matin,
je me réveille euphorique,
en me disant qu'après tout
il ne faut pas rester dans les souvenirs.

Sinon,
le passé aura de plus en plus d'emprise
sur le présent.
Et cela, évitons-le.

Ne soyons pas coincés dans les lamentations,
allons au delà du futur.
Au delà du monde matériel.
Au delà de l'au-delà.

Ma chère, ma tendre, ma moitié,
garde toujours à l'esprit
que la vie est une chose grandiose,
fantasque;
tout ce qui est dur a un côté positif,
et surtout ...

Autorise-toi à rêver,
aie foi en ces folles pensées ...

Nous ne sommes pas perdus pour toujours,

Bill

P.S: je t'aime.

Han',
je ne sais où tu demeures.
Voici une lettre qui ne trouvera jamais son destinataire.
Des mots adressés au mur d'en face,
au vent, au ciel, aux étoiles.
Des phrases pour le simple plaisir d'avoir l'impression,
l'illusion de t'écrire réellement.

Allons,
je sais bien que tu as reçu ma lettre précédente.
Je sais bien qu'elle t'a troublée.
Allons,
ne te méprend pas.

Dessines-tu ?
Danses-tu ?
Voyages-tu ?
Dis-moi, que fais-tu ?

Désespoir de ne pouvoir te parler,
tristesse de ne pouvoir toucher ta main,
mélancolie de ne pouvoir observer tes dessins,
peintures des sentiments.

Au comble de la déception,
je te laisse là ...

À toi de me revenir,
Bill

Bill,
excuse mon retard, mon absence.
Un esprit depuis trop longtemps
tourmenté m'habite,
et je ne suis que victime de mon caractère capricieux.

Je fouille toujours,
chercheuse sans répit,
dans les vestiges de Lyra.

J'ai visité les habitations successives
de notre belle défunte.
Des immeubles délabrés,
de petites maisonnettes,
maintenant abandonnées.

À croire que personne ne voulait empiéter
sur les traces de ma soeur.

Je te décris maintenant sa dernière habitation,
quand Tom l'a rencontrée.

C'est une maison,
perdue dans la végétation,
quelque part dans la campagne profonde.
Un havre de paix,
entourée de sérénité.

Le ciel y est dégagé.
Les oiseaux y chantent.
La brise y est douce,
et le calme règne,
utopique bonheur,
sur ce paysage presque immatériel.

Personne n'habite là.
À vrai dire,
la maison appartient maintenant aux parents de Lyra.
Mais le savent-ils ?
Savent-ils que leur fille, une fois rejetée, est morte ?

J'ai donc une nouvelle résolution:
je vais voir ses parents.
Peut-être serai-je rabrouée,
ressemblant à leur fille,
mais je dois essayer.

Et toi, viendras-tu avec moi ?

Aussi indicibles que soient mes sentiments envers toi,
je t'embrasse.

Han'.