Quand Maria-Eva sortit du petit bar, il était près de trois heures de l’après-midi. Elle avait commencé le matin à sept heures, avec une demi-heure de pause à onze heures. Contrairement à ce qu’elle pensait, ce boulot était moins stressant et épuisant qu’il n’y paraissait. C’était vraiment un petit bar tranquille, avec son cercle d’habitués qui venaient boire tous les jours là-bas au cours de leur pause. Le rythme de travail était donc plutôt calme, et l’ambiance très légère.
Elle était soulagée. Pour une fois, elle n’était pas épuisée après avoir travaillé. Enfin, elle avait juste mal aux jambes à cause de ses nombreux va-et-viens entre le bar et les tables. Mais elle mettait ça sur le compte du manque d’habitude. Ça passerait très vite, elle en était certaine.
Elle entra dans la maison des parents d’Estelle (maintenant elle possédait un double des clés), et prit une bonne douche. Ensuite, elle s’allongea sur le lit dans la chambre d’Estelle, et resta un moment là, à regarder le plafond, un peu ailleurs. Prise d’une bonne résolution, elle tapa le numéro de téléphone de Bill, les doigts tremblants légèrement.
Une voix grave répondit à la première sonnerie.
- Hallo?
Elle sourit, reconnaissant cette voix parmi mille.
- Salut Georg.
- Maria-Eva ? Punaise, ça faisait longtemps. Tu m’as manqué, je te dis pas à quel point.
- ça me fait plaisir d’entendre ta voix. Ça va?
- Ouais, ça va. On part en tournée dans quinze jours. Ça promet d’être riche en émotions.
Il toussa.
- Tu es malade?
- Non, c’est rien, t’inquiète pas. Une petite toux qui dure depuis hier.
Maria-Eva entendit quelqu’un s’adresser à Georg puis s’éloigner.
- Au fait excuse-moi j’ai pas réagi, tu veux que je te passe Bill? lui demanda-t-il.
- Oui, ça serait gentil.
- Ok, deux secondes.
- Attend !
Elle préférait prévoir le coup.
- Répond-moi franchement, comment va-t-il? demanda-t-elle.
Georg parut hésiter.
- Dans l’ensemble, ça peut aller. Il est plus renfermé sur lui-même que d‘habitude, tout le temps dans ses pensées. Et il a beaucoup maigri parce qu’il a été très malade la semaine dernière. Mais comme je te l’ai dit plus haut, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Il va mieux, beaucoup mieux qu’au début de ton absence.
Elle hocha la tête, bien qu’elle savait qu’il ne pouvait pas la voir.
- Je te le passe, fit Georg.
- Merci.
- De rien petite sœur.
Il ferma une porte, et marcha dans le couloir. Au bout de quelques instants il reprit la parole, hors de portée du combiné.
- Bill, c’est pour toi. Et n’écrase pas la petite s’il-te-plait, on y tient.
- T’inquiète. C’est qui?
- Tu verras.
Maria-Eva devinait sans le voir son regard intrigué et son sourcil arqué. Georg s’éloigna, et Bill mit le portable contre son oreille.
- Hallo?
Le cœur de Maria-Eva battit plus fort.
- Bonjour Bill.
- Oh, Maria-Eva, bonjour…
Il y eut blanc entre eux.
- Tu n’as pas l’air réjoui de mon appel, dit-elle finalement.
- Oh si, ne te fie pas aux apparences ! C’est juste que j’ai été surpris. Je pensais que tu m’appellerais à une date beaucoup plus lointaine. Mais maintenant que je vois que je me suis trompé, je suis plutôt content.
Elle sourit.
- Tant mieux alors. Dis-moi, j’ai entendu Georg te dire quelque chose d’étrange avant de te passer le téléphone…
- N’écrase pas la petite c’est ça?
- Oui. De qui il parlait?
- Serais-tu jalouse?
- Non. Je voulais juste savoir.
Il sourit.
- Tu ne sais pas mentir Maria-Eva. Espèce de jalouse va ! Jalouse de sa propre filleule en plus…
- Même pas vrai… attend qu‘est-ce que ma filleule a à voir là-dedans?
Il rit doucement.
- Maé fait une sieste avec moi sur le canapé, expliqua-t-il finalement. Elle dort comme un petit ange sur mon torse en suçant son pouce. Elle a bougé un peu en m’entendant parler, mais elle a tout de suite refermé ses petits yeux. C’est marrant parce qu’il n’y a qu’avec moi qu’elle s’endort comme ça. Alors Gustav et Véro en profitent pour récupérer leurs heures de sommeil parce que les nuits sont assez dures, surtout depuis que des dents riquiquis ont commencé à faire leur apparition dans la bouche de la petite.
Il soupira.
- Tu vois, je n’ai rien fait qui puisse te rendre jalouse…
Elle sentit la culpabilité lui ronger doucement le cœur. Elle, elle avait fait quelque chose.
- Tu as raison. Excuse-moi, bredouilla-t-elle.
Il parut un peu surpris.
- ça ne va pas? lui demanda-t-il, inquiet.
- Si, ça va. Pardon.
- C’est moi qui devrai m’excuser. Je n’aurai pas dû insister. Il ne faut pas te mettre dans tous ces états pour les vannes d’un abruti tel que moi…
- Non Bill, tu n’y es pour rien là-dedans.
Il y eut un court silence.
- C’est ton « projet » qui bloque qui te perturbe?
- Non. Ça a plutôt bien avancé au contraire, même si nous n’avons fait que débloquer un tout petit peu la situation.
- La visite chez le médecin alors?
Elle tenta de calmer les battements affolés son cœur. Merde, pourquoi est-ce qu’il avait abordé ce sujet? Que devait-elle faire? Dire la vérité, ou garder ça pour elle, comme toujours? Et comment allait-il réagir? Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête, lui donnant la nausée.
- Maria-Eva?
Elle sursauta.
- J’ai un nouveau traitement, répondit-elle rapidement. Mais je ne veux pas en parler maintenant avec toi. Ce n’est pas ça qui me perturbe.
- Alors qu’est-ce que c’est? Aouch !
- Quoi?
- Rien, c’est Maé qui m’a donné un coup de pied dans le bide. Cette gamine est une véritable boule d‘énergie même quand elle dort. Mais ne changeons pas de sujet s’il-te-plait. Dis-moi ce qui ne va pas. Tu m’inquiètes.
- C’est…Tu me jures que tu ne vas pas m’en vouloir ?
- Tu me fais peur.
- Jure-le moi.
- Maria-Eva…
- S’il-te-plait.
- Qu’est-ce que tu as fait?
- Bill…
- Je ne peux pas te le jurer, puisque je ne sais pas de quoi il s’agit.
Son ton était légèrement désolé, mais sans réplique. Elle avait perdu.
- J’ai embrassé le jeune homme qui m’a aidé pour mon projet.
Elle avait dit ça d’une traite. Tellement vite que Bill n’était pas sûr d’avoir bien compris. Mais son cœur lui disait déjà que ses premières impressions étaient vraies.
- Tu as quoi?
- C’était un accident Bill. On était seuls tous les deux pendant une pause et c’est parti en sucette.
Elle était mal. Elle savait qu’il allait le prendre mal. Ça n’allait pas rater.
- Un accident? Tu l’as embrassé sans le vouloir, c’est ce que tu essaies de me faire croire?
- Non ! Enfin si, je l’avais voulu, mais pas du tout en même temps…
- … Tu sais que tu t’enfonces là?
Il était furieux, et détruit.
- Franchement Maria-Eva, si tu veux te trouver un autre homme qui te donne plus envie, tu me le dis et on en arrête là !
- Non ! Bill, tu sais bien que c’est toi que j’aime. C’était un accident, je te le répète. Jamais quelqu’un ne pourra te remplacer dans mon cœur.
- Dans ce cas pourquoi tu l’as embrassé? s’écria-t-il.
- Parce que je ne savais plus ce que je faisais, parce que j’avais la tête dans les vappes après l’injection de morphine que m’avait faite le médecin ce jour-là et parce que j’étais très perturbée à cause de son putain de diagnostic qui dit que je n’ai plus que deux ans à vivre, voilà pourquoi !
Elle se plaqua la main contre la bouche. Merde, merde, merde… Pourquoi était-elle sortie de ses gonds comme ça? Elle s’était pourtant promis de le ménager, et de ne pas le lui apprendre tout de suite…
Le cœur de Bill rata un battement.
- Quoi ? Maria-Eva, c’est quoi cette histoire? Dis-moi que c’est pas vrai…
- Je… je suis désolée Bill, fit-elle, troublée. Pardonne-moi.
Et elle raccrocha.
Bill avait l’impression de ne plus être de ce monde. Il était comme glacé de l’intérieur. Et dire qu’il n’avait pas vu le coup venir… Comme il regrettait maintenant de s’être emporté pour ce baiser ! Il n’avait jamais autant détesté sa jalousie que maintenant. Et son égoïsme. Parce qu’il n’avait pas su voir le désespoir de Maria-Eva, ou plutôt parce qu’il l’avait attribué au baiser en lui-même. Quel con…
Il tenta de la rappeler. Mais évidemment, elle avait éteint son portable. Il lutta contre les larmes qui menaçaient de couler sur ses joues. Maé se réveilla, et le regarda avec de gros yeux, avant d’éclater de rire, apparemment très en forme après sa sieste. Il la prit doucement dans ses bras, se leva et alla toquer à la chambre de Gustav et Véro. Cette dernière lui ouvrit, encore un peu endormie.
- Elle a fini sa sieste, finit-il par lui dire. Prend-là, je n’ai pas la force de m’en occuper.
Elle prit sa fille dans ses bras, puis le regarda avec inquiétude.
- Bill, qu’est-ce qui se passe?
- Rien. Je suis un gros con, c’est tout.
Il se mordit la lèvre, les larmes aux yeux, et fit demi-tour avant de s’enfermer dans sa chambre. Tom déboula comme une furie, et arriva devant Véronica.
- Où est Bill?
- Dans sa chambre.
- Merde !
Il essaya d’ouvrir la porte, et toqua en désespoir de cause.
- Bill, ouvre c’est moi.
Pas de réponse.
- Bill !
- Laisse-moi seul s’il-te-plait Tom.
- Non Bill. Je peux pas, tant que je ne serai pas rassuré.
- Je vais bien.
- Ne me mens pas.
- Tom, laisse-moi !
Il ne comprenait pas. Il ne pouvait pas comprendre. Tout ce qu’il faisait c’était ressentir les émotions de son jumeau aussi fort que si c’était les siennes. Mais il ne pourrait pas faire plus pour le moment. Il fallait attendre. Attendre que la crise passe, et que Bill le laisse enfin rentrer. Mais vu l’état de désespoir dans lequel il le trouvait plongé, il se doutait que cela pourrait durer longtemps. Trop longtemps.
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Voilà. Désolé pour l'attente sincèrement.
Moi je file, j'ai des devoirs à terminer. Je m'étais juré de mettre cette suite aujourd'hui, c'est chose faite. Maintenant, plus que les dm à recopier et les verbes irréguliers à apprendre >< j'suis pas prêt de me coucher.
Mais c'est de ma faute. Une promesse est une promesse.
Bonne nuit les filles. A demain.
Bizzzz
Milie