23h00.
Il fait nuit.
Je me tourne dans le brancard qui me sert de lit et aperçois la même lumière depuis des mois à travers la porte de ma chambre d'hôpital.
Je ferme les yeux, et les rouvre immédiatement.
Elle est là.
Ancrée derrière mes paupières.
Je ne peux pas dormir.
Tout à coup, j'entend une musique lointaine.
Très lointaine.
Je distingue quelques mots en allemand.
Je me redresse doucement sur mon lit et tends l'oreille.
Je connais cette chanson.
Je pose un pied au sol, et me met debout.
J'avance légèrement, puis m'arrête.
Je me retourne et regarde ma perfusion vide.
Vide.
"Je peux le faire. Je peux vivre sans ça."
Je pose ma main sur le tuyau relié à mon bras et tire violemment.
Je me plie de douleur et tombe dans l'élan.
Je me replie sur moi même par terre.
"Je n'ai pas mal. Je n'ai pas mal. Je n'ai pas mal."
Je ferme les yeux et verse une larme.
"Warum bist du abgehauen?"
Je lève les yeux, pose ma main sur le sol, et me redresse difficilement.
J'avance ma main sur mon bras meurtri et pose l'autre sur la poignée.
Je tourne doucement la poignée.
Je regarde autour de moi.
Personne à droite.
Personne en face.
Personne à gauche.
Personne.
"Komm und rette mich "
Je tourne la tête.
La musique vient de la droite.
Je marche en traînant des pieds.
"Ich verbrenne innerlich"
Je souris inconsciemment.
Je n'ai pas rêvé.
Je les ai entendu.
"Myrtille ?"
Je me retourne brusquement en essayant de cacher mon bras.
"Why aren't you sleepin' ? "
"She's here"
L'infirmière me fixe, légèrement gêné.
"Don't stay up too late, please."
"I'll try."
Elle me sourit et me dépasse dans le couloir.
Je la laisse passer, et continuer d'avancer.
Je m'arrête tout à coup.
La musique est derrière moi.
Je viens de la dépasser.
Je me retourne et fixe le numéro de la chambre.
83.
Je m'avance et colle mon oreille sur la porte.
"Unsere träume waren gelogen und keine träne echt"
Je pose ma main délicatement sur la poignée, et rentre dans la chambre.
Rien.
Le noir complet.
Personne.
J'ai rêvé.
Ce n'était qu'une illusion.
Je lâche mon bras.
Avec une petite lueur d'espoir, j'allume la lampe.
Toujours rien.
Je baisse les yeux.
Horreur.
Je crie.
Pas. Question. Surprise. Affolement. Le noir.