Voici ma première OS. Je ne sais pas encore si j'en écrirai d'autre. On verra ce que vous en pensez.Vous pouvez écouter cette musique en même temps que vous lirez : https://www.youtube.com/watch?v=R8MzHqkNBwo&feature=PlayList&p=39D449F9FFED87AF&playnext_from=PL&index=0&playnext=1
Le paysage défile sous mes yeux. Je n’ose pas poser ma tête sur la vitre de l’autobus, glacée par le vent de janvier. La nuit tombe déjà peu à peu sur l’Angleterre, mais il me semble néanmoins reconnaître une ou deux maisons. Je m’approche de son quartier pour y tenter ma dernière chance. Tom m’a toujours dit qu’un jour il irait s’installer en Angleterre. Sauf qu’il avait aussi promis de s’y installer avec moi. Il avait promis. Et pourtant.
Le bus s’arrête au feu rouge, et je réalise alors que je descends au prochain arrêt. Je suis venu si souvent ces dernières semaines que je pourrais refaire le chemin jusqu’à chez lui les yeux fermés. Une bonne chose, puisque la nuit est à présent complètement tombée sur le village où il a trouvé refuge pour me fuir. Les maisons sont jolies. Il y a des arbres, des fontaines. C’est beau l’Angleterre. Mais je ne suis pas objectif. N’importe où près de lui est mieux qu’ailleurs.
Pourquoi ai-je si froid ? Je sais bien que le temps n’y est pour rien . Peut-être que c’est comme cela que l’on se sent lorsque l’on est sur le point de faire quelque chose d’aussi douloureux que désespéré. Je n’ai jamais eu besoin de lui demander quoi que ce soit, je l’ai toujours su. Par instinct. Alors pourquoi suis-je venu ? Pour maman. Son regard perdu que je vois tous les matins, tous les soirs, depuis des jours… Je ne peux déjà plus me regarder dans une glace. Alors comment lui refuser cela ? Et puis, si je viens pour elle, peut-être sera-t-il moins dur. Je lui ai écrit du mieux que je peux, comme quand j’écrivais des paroles pour le groupe. J’y ai mis tout ce que je ressentais. Tout ce que j’éprouve pour lui. Il n’a pas répondu. Comment faire face à ce silence en vrai ? J’ai tellement peur…
Le portail n’est pas fermé. Cela lui ressemble bien. Je parie que la porte non plus. Mais je vais sonner. Moi, je vais sonner pour entrer chez lui. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Tom, où es-tu ? "Tom ?" Je pose mon sac en bas de l’escalier. La pièce est sombre et vide. J’entends le son de sa guitare au-dessus de ma tête. Il est à l’étage. Guitare sèche. Il est calme. J’enlève mes chaussures, mon manteau, et gravis les escaliers. Plus qu’une marche. Plus qu’une seconde.
Il est là, sur le lit. Il m’a entendu sonner, je le sais. Je me rends peu à peu compte que ce qu’il joue m’est inconnu. Une nouvelle composition. Oh, j’aimerais tellement pouvoir chanter encore avec lui…
"C’est beau..." dis-je simplement. Je me rends compte que ma gorge est nouée. Merde. Je suis sensé parler. Comment je vais faire si je pleure ?
"Ca va, toi ? continué-je.
- Pourquoi t’es venu ?
- Parce que tu nous manques, Tom."
Le silence m’a répondu à sa place. Et c’est tout. J’ai précisé, pourtant. Tu nous manques. Et c’est tout. Alors quoi ? Il n’y a rien à faire, je le sais. Je ne peux pas détacher mon regard de sa nuque, sa tête étant penchée sur sa guitare. Il y a tellement de choses que je voudrais lui dire. Comme par exemple que parfois j’ai moi aussi envie de me faire des dreads, de me démaquiller, et de me foutre une casquette sur la tête. De me piercer la lèvre. Et de me regarder dans la glace. Et de m’imaginer que c’est lui, qui est là, et qui me pardonne.
Mais non. Je ne peux rien dire, et il n’écoute pas. Sa chanson est interminable, et me blesse tant elle est belle. Je ferais mieux de partir. Je vais me prendre une petite chambre d’hôtel dans le coin, et puis essayer de ne pas y penser. J’espère qu’il n’y aura pas de fille dehors à cette heure-ci… Tokio Hotel est sensé être à son apogée. Elles n’ont pas idée. Le groupe est en train de perdre son guitariste. Et alors ? Je suis en train de perdre mon frère. Et je suis là, et je le regarde. Et j’ai mal à en mourir. Je détourne le regard et dévale l’escalier pour ne plus m’imposer tous ces regrets et tout cet amour fraternel déchu.
Je suis déjà en bas. Je m’apprête à sortir. Je voudrais courir, mais alors que j’ouvre la porte, je ne peux m’empêcher de tendre une ultime fois l’oreille pour saisir les dernières notes de musique de Tom. Ensuite, il faudra attendre la prochaine fois. La semaine prochaine, peut-être, si j’ai le courage de revenir affronter son silence. Mais je n’entends plus rien. Il a arrêté de jouer.
Et maintenant il est là, en haut de l’escalier, sa guitare dans la main. Il me regarde intensément, et soudain, il me semble que tout bascule. Je sens au plus profond de moi que ce regard marque la fin de cette situation qui a trop duré. Mais quelle fin est-ce ? Le pardon ? Ou bien l’adieu ?
Tom descend les escaliers, passe devant moi et s’assoit sur le canapé, sans un mot. Il reprend sa guitare et entame de nouveau la mélodie qu’il a composée. Je suis absorbé par ses longs doigts qui jouent avec délicatesse. Trop absorbé pour me rendre compte qu’il a également commencé à chanter. Cependant, lorsqu’il entame le refrain, je comprends tout.
Ich will da nicht allein sein
Lass uns gemeinsam
In die Nacht
Irgendwann wird es Zeit sein
Lass uns gemeinsam
In die Nacht
Le temps est comme suspendu au bout de ses doigts, au bout de sa voix. Je connais déjà le texte par cœur pour l’avoir lu et relu avant de lui envoyer. Cette lettre d’excuse, cette lettre où je lui disais tout et à laquelle je croyais qu’il n’avait pas prêté attention… il a composé pour elle la plus belle des mélodies.
La chanson touche presque à sa fin. Le son de la guitare redevient plus doux. Tom entame la dernière phrase.
" Du bist alles was ich bin…
- Und alles was durch meine Adern fliegt. "
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Ca me touche beaucoup tous vos commentaires !
