[T] Aime-moi, Anna...aime-moi. I

Et sur ce, il partit s'enfermer dans sa chambre. Je l'entendis jurer et pleurer, encore et encore.
Je restai conne, sur le lit, incapable de quoi que ce soit. J'étais émue. Perdue aussi. Je ne savais pas tout ça.
Je n'avais pas fait attention à Tom de cette façon avant ce soir-là. Le soir où j'ai abandonné tout espoir que Gustav se reprenne.
Ce soir où je me suis réfugiée dans ses bras, pour ne plus jamais les quitter. Je n'avais jamais remarqué, avant.
Je le considérais comme mon meilleur ami. Juste comme mon meilleur ami.
Et puis jamais je n'aurais pensé que les relations avec son frère étaient en si mauvais état.
Je savais que je représentais un problème, un obstacle. Mais je ne savais pas que tout cela allait si loin que ça.
Malgré tout ce qu'il m'avait fait subir, je plaignais Bill. J'avais mal pour lui.
On était pas si différents : on aimait Tom, chacun à notre façon, mais on l'aimait. Et on ne supportait pas son absence, ou son manque d'attention.
Je ne voulais pas qu'à cause de moi, Tom perde une partie de lui-même.
Je ne voulais pas qu'à cause de notre histoire, il passe à côté de celle qui avait toujours semblé être la plus importante à ses yeux.

[…]

Je me saisis de mon sac et m'en allai. Je fis bonne figure, me retournai et lui souris, puis fermai la porte.
Je courus dans les escaliers, en proie à une détresse totale. Comment allai-je survivre sans lui ?
Et surtout, combien de temps cela prendrait-il avant qu'il ne comprenne et agisse ?
Lorsque l'aînée de Gustav arriva, je manquai de m'effondrer. A mesure que je réalisai ce que je venais de faire,
mon coeur accélérait sa cadence, faisant battre le sang dans mes tempes de plus en plus fort.
Le manque de lui était tel un précipice, une abîme des plus profondes qui ne souhaitait plus qu'une chose : m'aspirer.

Elle vint à ma rencontre, passa un bras autour de ma taille, et m'accompagna jusqu'à sa voiture,
garer exprès dans un angle mort de la vision des fenêtres de l'appart. J'étais tellement lamentable qu'il serait capable,
au lieu de se réconcilier avec son frère, de l'envoyer chier en lui hurlant que par sa faute j'étais mal.
Haletante, je ne pus m'empêcher de m'effondrer en larmes, une fois dans le véhicule.

Nous roulions depuis une vingtaine de minutes, et je me sentis sombrer dans un demi-sommeil.
Les voix des frère et soeur Schäfer me parvinrent pourtant encore, bien que voilées et confuses.

Il se tut, et je rejoignis les bras de Morphée.

[…]

Je fus réveillée par une main délicate qui me caressait doucement le visage.
Complètement amnésique des évènements récents qui m'avaient plongée dans un sommeil léthargique,
je souris bêtement et enlaçai la main de mon réveil humain avec la mienne, et l'attirai sur le lit pour qu'il vienne se coller à moi.
Nos mains jointes se placèrent sur mon bassin, et je me laissai bercer par la chaleur de ses bras.

Sa main quitta la mienne et recommença ses douces caresses dans mes cheveux cette fois-ci.
Je me retournai face à lui. Ses lèvres se posèrent délicatement sur mon front, et je murmurrai :

Je sentis soudain le corps de mon interlocuteur se raidir contre moi, et stopper ses gestes attentionnés.
J'ouvris alors les yeux, surprise, pour découvrir Gustav, complètement dévasté.
Il ne dit rien et me regarda, les yeux et le visage emprunts d'une douleur qui me firent plus mal que je n'aurais pu l'imaginer.
Je ne l'aimais plus, certes. Plus comme avant en tous cas.

Il ne répondit rien, et je vis alors qu'il pleurait. Gustav pleurait.