[T] Aime-moi, Anna...aime-moi. I

Ils me débectent. Tous leurs gestes, leurs mimiques, leurs mots doux, tout ça me répugne.
Je ne sais même pas pourquoi. Je ne l'aime pas. Elle n'a rien fait pour, mais je ne peux vraiment pas la supporter.
Moi, Bill Kaulitz, auteur de chansons d'amour (entre autres), je me vois confronté à la vérité : je hais ça.
J'ai horreur de les voir si heureux, si bien dans leur peau,
juste parce que la présence de l'autre les conforte dans le fait qu'ils ne sont pas si nuls.
Ou du moins, dans le fait qu'ils ne sont pas seuls dans leur minable existence.
Anna et Gustav sont heureux.
Certes.
Ils ne se sont pas fait prendre en flag' par les paparazzi, depuis 2 mois qu'ils sont ensemble.
Certes.
Et Gustav n'a jamais aussi bien joué que depuis environ un mois et demi. Depuis qu'il sait qu'il l'aime.
Certes.
Mais je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi c'est lui qui a trouvé. Avant moi, qui y crois dur comme fer.
Pourquoi son âme soeur s'est pointé avant la mienne.
Cupidon est un être vil. Cruel.
Quelqu'un se racle la gorge, me sortant de mes pensées. Tom.

Merde. Touché.
Je reste face à la fenêtre, pour éviter qu'il n'aperçoive les traits de mon visage s'étirer en une grimace significative.

Et il me laisse là. Seul. Encore. Pour la retrouver, elle. Anna.
Et ils rient, comme des demeurés, ils rient. Jouer à cache-cache. Mais quelle gosse celle-là.
On sent qu'elle n'a que 17 ans.
Du haut de ses 21 ans, Gustav jouent à cache-cache avec Georg, 22 ans, et Tom, 20 ans.
J'aurais tout entendu. Vivement qu'elle s'en aille. Vraiment.

[…]

J'en peux plus. Je ne la supporte plus.
Je ne supporte plus sa gentillesse, son sourire, et sa joie de nous voir.
Nous tous, même moi qui ne me cache pas de lui dire ce que je pense d'elle aussi souvent que possible.
L'autre jour, je lui ai même glissé, sur un ton menaçant :
« Ecoute-moi bien, je ne sais pas qui tu es, et je m'en fous complètement,
mais sâche que la musique est NOTRE priorité. Rien, vraiment rien, ne viendra jamais avant.
Pour aucun d'entre nous. ».
Elle m'a regardé, abasourdie, et est restée muette. Moi, j'ai juste peur qu'elle ruine tout.
Que tous nos sacrifices de ces cinq dernières années soient vains.
Que Gustav décide de se barrer avec elle à l'autre bout du monde,
qu'ils soient pris en photo un jour où elle traîne avec Tom et que les fans nous lâchent, ou un truc du genre.
Alors à mesure qu'elle devient indispensable dans leur vie, elle devient indésirable dans la mienne.

Grand silence. Tous le monde me regarde genre : « Mais quel monstre ! »

Je ne comprends pas. Je ne sais plus.
Pourquoi il la défend, elle ? Pourquoi je le sens si différent, en ce moment ?
J'ai horreur de ne pas réussir à percer ses émotions. On est tellement pareil lui et moi.
Depuis tellement longtemps. J'ai toujours su. Toujours compris.
Toujours réussi à sentir ce qu'il avait au plus profond de lui.
Mais Tom, aujourd'hui, je ne comprends pas. Je n'ai rien senti.
Juste un changement, un changement radical dans notre relation.
Un changement que je n'apprécie pas. Une coupure dans notre lien si fusionnel.
Tom, qu'est-ce qui nous arrive ?

[…]

Plus rien ne va. J'ai l'impression que le monde entier s'écroule autour de moi.
Il sort avec elle. Il l'aime. Et ça fait un mois que ça dure. Elle a même quitté Gustav pour lui.
Tom, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ?

Je ne réponds pas...et je le laisse là.
J'ai besoin d'être seul. J'veux pas en parler. Pas avec Georg.
J'ai rien contre lui, il est d'ailleurs très gentil de se soucier de moi. Mais je ne veux pas parler de ça, pas avec lui.
La seule personne à qui j'veux parler, c'est lui. Tom.
Tom aime Anna.
Je n'avais rien vu. Rien. Tu ne m'avais rien dit. Rien. Tu es amoureux d'elle depuis combien de temps, hein ?
Depuis combien de temps tu me mens ? Depuis combien de temps on a commencé à se perdre ? Je n'en sais rien.
J'ai mal. Oui, j'ai été cruel en riant. Mais comment aurais-je été sensé réagir ?
Fondre en larmes, comme je le fais, là, tout de suite ? Te hurler ma peine et ma détresse ? Non.
Je ne sais pas pourquoi, mais non. Non. Je veux juste te retrouver, frérot.
Anna, Anna elle est pas faite pour toi.
Non. Je ne veux pas.
Je ne veux pas qu'elle soit ton âme soeur. Pas comme ça. Pas maintenant.
Pas avant que moi j'ai trouvé la mienne. C'est pas juste.
T'as pas le droit, pas le droit de l'avoir trouvé avant moi. Pas le droit de me remplacer par elle.
Pas avant que moi, j'ai trouvé quelqu'un qui puisse te remplacer.

[…]

C'est décidé. Je vais lui parler. Marre de cette guerre idiote.
Je toque à la porte de sa chambre d'hôtel, située juste à côté de la mienne.
Il vient m'ouvrir, et me laisse entrer, l'air complètement ailleurs.

Il me regarde, un peu gêné. Et soudain je sens qu'il a enfin compris.
Il me sourit.
Mais pas d'un sourire immense, celui que j'aime tant, celui que lui et moi on a en commun.
Celui qui fait sourire ses yeux aussi.
Non. Un simple sourire, sincère certes, mais terne et banal.

Georg entre alors dans la chambre.

Nous rions ensemble, et parlons un peu, de tout et de rien.
Gustav nous rejoint peu de temps après, et là je sens que l'atmosphère s'électrise.
Tom ne rit plus aussi souvent. Gus reste muet.
Georg essaie tant bien que mal de détendre tout le monde, mais rien n'y fait.
Mon double semble ailleurs, et lance de temps à autre des regards noirs au batteur, qui lui, semble plutôt subir.
Ce n'est pourtant pas son genre...il ne boude pas, ne semble pas atteint par la haine soudaine de Tom à son égard.
C'est louche. C'est comme si il avait...non. Ça ne peut pas être ça.
Ou bien alors, si. C'est ça.
Ce baiser, que j'ai surpris l'autre matin, entre Anna et lui...jamais il n'a forcé Anna à quoi que ce soit.
Je le savais. Mais quel être minable.
Accepter de se prendre un pain en pleine gueule pour sauver le couple de son ex, c'est juste débile.
Le pire, c'est qu'il sait qu'elle ne reviendra pas. Alors pourquoi il fait tout ça ?
Décidément, l'amour est un sentiment qui me dépasse complètement.

[...]


J'sais pas ce qu'il m'a prit de lui faire ça. Elle rien demandé. Elle a rien fait de mal.
Mais je voulais pas qu'elle ruine tout. Elle a failli. Elle pouvait pas se contenter de rester dans le van, non.
Fallait qu'elle descende.
Comme d'habitude, dès qu'il l'a vu, son visage s'est réellement éclairé, d'une façon que je ne peux pas décrire.
Non, je ne peux pas décrire cette joie. Parce qu'elle me dégoûte.
Je suis son double, son frère jumeau, il est une part de moi. Et en deux semaines et demi de voyage loin d'elle...
j'ai été incapable de lui rendre ce sourire qui s'est scotché sur sa face dès qu'elle est apparue à la porte de débarquement.
Et comme d'habitude, dès qu'elle est là, il n'y a plus qu'elle qui compte. Alors ils nous a tous plantés là.
Il a quasi couru à elle. Heureusement qu'elle a une once d'intelligence, hein.
Elle a pas voulu l'embrasser ou le prendre dans ses bras.
Et comme je la hais, j'ai juste voulu lui faire peur. Je suis désespéré. Vraiment. J'ai pas de limite, pas de honte.
Je suis un monstre, parce que je dois avouer que je n'ai aucun remord.
Elle, elle me laisse totalement indifférent.
J'aurais juste envie de la sauter, mais uniquement pour que Tom nous prenne en flag'. Il la dégagerait, comme ça.
J'l'ai plaquée contre un mur. Menacée.
Tripotée, mais ça c'était juste pour essayer de comprendre ce que mon frère ressent en la touchant.
Elle ne m'a fait ni chaud ni froid. Rien.
J'ai pas compris. Pas compris pourquoi elle l'aime, lui. Alors qu'il n'a quasiment jamais aimé.
J'ai cherché, dans ses yeux, son regard affolé, quelque chose qui justifierait les agissements de mon frère.
Mais rien. J'ai rien vu. Rien compris, et rien ressenti.
Je pourrais recommencer n'importe quand, aussi longtemps et souvent qu'il le faudra,
pour que Tom comprenne qu'elle n'est pas la bonne. Je le sens et c'est tout.
Mais il s'en contrefout.
Je suis un monstre.
Et même me rendre compte de ça, ça me laisse froid.

[…]

Je ne comprends pas. Il veut qu'elle vienne vivre ici.
Chez nous. J'veux pas. Alors comme d'hab', j'l'ai dit. J'l'ai insulté, elle. Je les ai insulté.
Mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai juste eu envie de les étriper.
Mais ça ferait moche sur mon CV, une condamnation pour meurtre et de la taule à perpet'.
Elle vient de me gifler. Mais ce n'est rien comparé au fait que Tom était sur le poing de me frapper.
Pour la deuxième fois ce mois-ci.
Et puis il est parti. Il a encore pris la fuite.
J'veux pas lui parler. Je t'aime pas Anna. Je te hais même.
Apparemment, je dois t'expliquer pourquoi. Alors voilà :

Je la laisse là, paumée, et je me casse dans ma chambre.
Je viens juste de lui prouver à quel point je suis faible. J'aurais jamais dû faire ça.
Jamais.

Et je m'effondre sur mon lit. Dévasté.
J'en ai marre. Vraiment.
Tom, j'espère que tu vas ouvrir les yeux. Et voir autre chose qu'elle.
Voir à quel point j'ai besoin de toi.
À quel point je meurs à petit feu, pendant que toi, tu vis un peu plus fort chaque seconde.
Tom, tu me manques. Mais ça, t'as l'air de t'en foutre royalement.

[…]

Hier soir. J'arrête pas de repenser à ce que je lui ai dit.
Et surtout au fait que c'est la première que j'en parle à quelqu'un.
Jamais j'aurais cru que ce serait à elle que je dévoilerais mes sentiments en premier.
J'aurais voulu que Tom le sache avant elle. Mais trop tard.
En rentrant à l'appart', je commence à me sentir étrange.
Quelque chose ne va pas. Ce n'est pas moi, pourtant.
J'ai dit pour la première fois à quelqu'un que j'étais en manque de mon double.
Je ne m'étais jamais senti aussi léger depuis qu'elle est entrée dans nos vies.
Alors...alors c'est Tom. Merde. Vite. Il faut vite que je rentre.

[…]

J'arrive chez nous, après avoir conduit comme un chauffard et manqué de renverser 4 vieilles sur le bord de la route.
J'ouvre la porte et je le vois là, par terre. J'avais raison.
Il est effondré. Mal, très très mal.
Il lève les yeux en ma direction, plein de rage, de haine. Je ne pige rien.
Mais avant que j'ai pu prononcer quoi que ce soit, il se rue sur moi,
m'attrape à la gorge et me plaque contre la porte, resserrant l'étreinte de ses mains.

Comment ça ? Cette chose qu'on appelle dieu existerait-elle ?

Qu'est-ce qu'il raconte ? Peu m'importe.
C'est la première fois depuis plus de six mois que j'ai l'impression de retrouver mon frère.
Finalement, Anna, tu n'es pas si conne que ça.
Je te hais encore, parce que mettre Tom dans cet état-là, c'est pas humain.
Je suis peut-être un monstre, mais dans ce cas toi, tu es la pire des salopes.

Je me tais. Et encaisse le choc.
Il n'a toujours pas compris. Elle le hante encore.
Je ne l'ai toujours pas retrouvé.
Il est égaré quelque part dans le corps de cet inconnu que je tiens dans mes bras.
Je crois qu'il ne trouve plus le chemin de la sortie. Et moi, je n'ai plus la force de le guider pour qu'il y parvienne.
Qu'est-ce qu'il va m'arriver ? Que va-t-il advenir de nous, Tom ?