[T] Aime-moi, Anna...aime-moi. I

Je n'eus pas le temps de terminer ma phrase qu'ils arrivèrent en trombe dans l'appartement,
tels une tempête, hurlant mon prénom. Je sortis de ma chambre, traînant les pieds.

Ah.
Matteo,
pourtant constamment assailli de nouvelles sur le groupe préféré de sa grande sœur,
n'avait pas été mis au courant du nouveau look de Bill.
Comme beaucoup d'autres, il avait dû buguer sur l'épisode grande crête,
de peu de temps après la sortie de l'album Humanoid.
Rien à voir avec sa coupe courte qu'il arborait en cette fin de mois d'août, presque un an plus tard.
Il n'était que très légèrement maquillé, donc rien à voir non plus avec le mec ultra maquillé que l'on voit poser dans les magazines.

Je levais les yeux au ciel, retenant un fou-rire.

Kat explosa de rire avec moi, et Matteo rougit d'une façon assez attendrissante.
Il ne savait plus où se mettre, le pauvre.
Bill aussi était hilare, mais ça ne l'empêcha de tendre la main à mon ami.

Matteo ne savait plus quoi dire, et Bill lui jeta un regard interrogateur.
Il le détaillait, semblait le jauger uniquement avec les yeux.
Il se tourna vers moi, l'air plutôt content, quoi qu'un peu déçu tout de même.

Les autres semblaient paumés. Mais je savais ce qu'il entendait par là,
et je hochai simplement la tête, pour lui montrer que j'avais saisi.

Je lui souris et le pris par la main.

Matteo ne réalisa pas tout de suite.
Puis par la magie d'un coup de coude, il se saisit de nos deux mains.

Bill et moi nous sursautâmes, complètement coupés dans notre délire.

Nous explosâmes de rire.

C'est ainsi que nous passâmes la soirée à rire de tout et de rien,
de Matteo qui se foutait constamment de la tronche de Bill, qui le lui rendait plutôt bien.
Kat et moi on les observait, et on se marrait juste. J'avais rarement autant ri depuis mon arrivée à Berlin.
Je me sentais bien, mais une petite voix dans ma tête essayait de me faire culpabiliser d'être heureuse
alors que Tom se morfondait et que Gustav s'inquiétait sûrement pour moi, tous les deux quelque part dans Hambourg.

[…]

Je fus réveillée par la sonnerie du portable de Bill. Je me sentis endolorie et compris très vite pourquoi :
nous nous étions endormis les uns sur les autres, sur le plus grand canapé du salon.
Enfin...le plus grand pas si grand que ça : Bill était assis sur le côté gauche, contre l'accoudoir. J'étais à moitié assise sur Bill,
et j'avais la tête posée sur l'accoudoir en question, les jambes à moitié repliées pour que Kat et Matt puissent avoir de la place.
Mon amie avait pour oreiller mes mollets et ses jambes étendues sur celles de Matteo,
qui lui-même était dans la même position que Kat, mais en sens inverse, la tête sur l'accoudoir droit.
Le téléphone sonnait sur la table basse, et j'étais apparemment la seule réveillée par ce bruit infernal.
Je me contorsionnai donc pour me dégager de notre puzzle humain sans ne réveiller personne d'autre,
et me saisis de l'appareil sans chercher à savoir qui était à l'autre bout du fil.

Prise de panique, je ne sus quoi répondre. Je songeai même à raccrocher.
Mais mon cœur tambourinait tellement fort dans ma poitrine que...

Mais mon cœur tambourinait tellement fort dans ma poitrine que...

Je n'eus pas le temps d'articuler une phrase que son cerveau avait déjà réagi au quart de tour.
Il eut comme un hoquet de dégout.

Je sentis tout le petit monde s'activer sur le canapé, et priai pour qu'aucun d'entre eux ne fasse de bourde.
Mais lorsque je vis le petit sourire joueur de Matteo, je sus que c'était peine perdue.

Bill, Matteo et Kat semblaient complètement dans le cirage.
Je décidai de mettre le haut-parleur, pour qu'ils comprennent la situation.

C'était du grand n'importe quoi. Être cueillie au réveil de cette façon...
je sentis une colère monter de je ne sais trop où, et qui, prête à exploser, bouillonna en moi.

C'en était trop.

Gagné. Tout le monde se tut, de chaque côté du téléphone.

Silence.
Mon ami sourit d'un air triomphant, je ne compris tout d'abord pas pourquoi.
Mais Tom se chargea de me faire saisir l'énormité de ce que je venais de dire.

Mes yeux faillirent sortir de leurs orbites tellement j'étais choquée par la violence de ses propos.
Je l'entendis crier de douleur.

Je me pris cette phrase en pleine figure, comme une grosse baffe.
Non seulement parce que jamais Matteo ne m'avait trahi jusqu'à maintenant, mais également parce qu'il avait en partie raison.
J'étais en tel manque d'affection et d'amour, que je n'aurais jamais su m'arrêter avant d'avoir franchi la limite à ne pas franchir.

Je ne pus en supporter plus et me dirigeai dans ma chambre, dans laquelle je m'enfermai.
J'étais complètement perdue, et tout ce qui me vînt à l'esprit était de dessiner.
Je pris une feuille de dessin, et, les larmes aux yeux, commençai un nouveau portrait de lui.
J'en avais fait au moins une dizaine depuis que je l'avais laissé, toutes représentant une émotion différente : la joie, la mélancolie, la colère...
j'avais surtout répété deux ou trois fois ce visage si gracieux, et si envoûtant qu'il avait lorsqu'il souriait, pas seulement avec les lèvres...
mais aussi avec ses yeux. Cet état là, je l'aimais plus que tout chez lui, parce qu'avec un sourire, il me réchauffait le cœur.
Les larmes ravageaient à présent mes joues, et tombaient sur ma feuille.
J'aurais ri, dans d'autres circonstances : je griffonnai un Tom triste, très triste.
Comme moi.
Et mes larmes...étaient tombées au coin de ses yeux et le long de ses joues.
Au dos de ce dessin, je m'acharnai sur les quelques mots d'une de mes chansons préférées :

« Komm und Rette Mich,
Ich verbrenne innerlich...
Komm und Rette Mich,
Ich schaffs nichts ohne dich... »

Et je posai simplement le visage contre la réplique du sien, comme si il était là.