[A] The truth is a terrible thing.

Bon, voilà. Je me lance.  
Ca fait un petit moment que je n'ai rien posté ici et comme le forum reprend vie, je pense que c'est le moment propice pour s'y mettre. C'est une fiction Bilienne, j'espère qu'elle vous plaira. Enjoy!

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I. That was my dream.

Je me souviens que chaque nuits, aux alentours de deux/trois heures du matin, sa couchette se mettait à grincer désagréablement dans mes oreilles, sous son corps frêle et parfait qui lentement s’en extirpait. Tout le monde dormait à point fermé, et il était temps pour elle de se faire la malle. C’était l’heure qu’ils avaient fixé pour se retrouver et chaque nuit, c’était le même manège. Elle guettait l’heure et dès que le moment était venu, elle se faisait discrète et quittait les dortoirs sur la pointe des pieds. Au départ, j’étais intriguée. Mais qu’allait-elle donc faire dehors, à une heure pareille?

C’est alors que tout les soirs, je me lançais à ses trousses. Après sa sortie incroyablement discrète, je sortais à mon tour de la tiédeur de mon lit pour savoir où est-ce qu’elle allait se fourrer. C’est un mercredi soir que leurs petites escapades ont débutés. Ils se donnaient rendez vous, tout deux. Bill et Olivia, Olivia et Bill. Dans notre colonie, les camps étaient séparés en deux car les dortoirs n’étaient pas mixtes et pour plus de sécurité, ils avaient carrément éventrés la cour en deux pour y poser un abominable grillage vert. Ainsi, les garçons ne pouvaient pas pénétrer dans nos chambres et inversement. Mais les règles ne les arrêtaient pas : Même si c’était formellement interdit, Bill et Olivia se retrouvaient chaque nuit. Le premier soir, ce fameux mercredi, Bill était en avance. Je m’étais glissée derrière les haies pour les espionner. Entre les arbustes je pouvais parfaitement les voir et même les entendre. Leurs mains étaient liées, agrippées l’une à l’autre, même séparées par la haute barrière verte et leurs fronts se touchaient.

- Tu es en avance, a-t-elle commencé.
- J’avais tellement hâte de te voir.. 

Leur amourette me dégoutait. J’étais totalement jalouse. Pendant une semaine, mon dieu, une semaine je ne pouvais aller contre ma curiosité. Une fois, j’avais essayé de rester dans mon lit et de prendre sur moi, mais c’était au dessus de mes forces. J’avais comme besoin de me faire du mal, de les voir tout les deux, main dans la main, yeux dans les yeux.. Je respirais la jalousie, putain, j’aurais tout donné pour les dénoncer. J’avais envie de faire du bruit dans le dortoir pour interpeler les moniteurs qui auraient remarqué qu’il manquait quelqu’un et ils se seraient fait punir, renvoyer, ils ne se reverraient plus et ce serait bien fait! J’étais devenue tellement mesquine. J’avais même pensé payer quelqu’un pour le faire à ma place, pour éviter que Olivia ne m’en veuille pour toujours. Mais je n’en étais pas capable non plus. C’était une torture, c’était tellement dur à supporter, autant mon amour pour Bill que pour Olivia. Nous étions à J-3 de la fin du séjour, Olivia tirait la gueule tout le temps, et ce soir là, avec Bill…

- Il ne reste plus que trois jours, je ne veux pas me séparer de toi, Bill…
- On s’invitera, on gardera contact, je ne veux pas te perdre non plus.
- Tu ne m’oublieras pas?
- Non… Je… Je te promets qu’un jour on sera ensemble, pour de vrai. Tout nos projets se réaliseront…
- Mais… C’est tellement irréaliste… J’aimerais que ça se passe vraiment, mais… Tu crois sincèrement que c’est possible?
- Que si on y croit de toutes nos forces.
- Alors… Alors c’est une promesse? Tu me promets qu’on aura un futur, toi et moi? Ensemble? 

Il attrapa le petit doigt de Liv entre le sien. Ils se regardèrent dans les yeux.

- C’est une promesse, dééclara Bill, totalement sûr de lui.

Puis ils s’embrassèrent. A gerber, n'est-ce pas? Il était temps pour moi de retourner dans le dortoir. Non seulement, Olivia viendrait se recoucher d’une minute à l’autre, mais aussi, j’estimais en avoir assez vu et assez entendu. Quelque chose était mort en moi. L’espoir que Bill m’aime, peut-être, l’espoir qu’il me remarque, un jour. Tout ça ne voulait plus rien dire… Il avait choisit Liv, qui était accessoirement, ma meilleure amie.

DE NOS JOURS ;


Aujourd’hui, j’ai vingt ans. Et depuis mes quatorze ans, rien n’a beaucoup changé en moi. J’ai pris quelques centimètres et jusqu’en terminale, les gens me surnommaient Oscar, en référence au squelette de laboratoire, parce que j’ai toujours eu la peau sur les os. Ma poitrine n’a pas vraiment enflée, je n’ai aucune forme, sur mon corps il ne se passe rien. Mes cheveux m’arrivaient aux fesses mais lors de ma première cuite, durant ma soirée d'anniversaire alors que j'avais seize ans, Olivia et des amis ont décidé de me changer de look et aujourd’hui, ils touchent à peine mes épaules. C’est après cette fois là que j’ai arrêté de sortir, de peur de finir avec un tatouage, ou un piercing. Liv, ma meilleure amie, est bel et bien toujours dans ma vie. Nous sommes colocataires depuis nos dix huit ans. Elle cherche un job depuis quelques temps alors que je poursuis mes études en lettres et en graphisme pour travailler dans un magazine plus tard.

Quand je vois Olivia, je remarque à quel point ma vie est un échec. Ma meilleure amie est le genre de fille parfaitement bien proportionnée, qui mange tout et n’importe quoi sans jamais prendre un gramme. Ses cheveux ondulent naturellement depuis toujours et ils sont blond, à peine plus long que les miens. Elle est toujours à la pointe de la mode, elle est intelligente et pleine de vie. Tout les garçons l’abordent, elle rompt toujours rapidement, mais elle n’est jamais seule. Elle est entourée de pleins d’amis, sa chambre est bien mieux décorée que la mienne et elle n’est pas bordélique. Elle sait cuisiner et elle adore le foot. Elle est vraiment intéressante et toujours dynamique, volontaire, extravertie. Le contraire de moi. Je suis l’ombre et elle est la lumière. Je suis une pauvre fille tassée dans une paire de converses et cachée derrière ses cheveux bruns et sa frange trop longue, et elle est enjouée, perchée sur ses talons aiguilles de douze centimètres (elle sait courir avec sans les briser), le visage toujours radieux, prête à aider tout le monde.

J’ai toujours été cette vieille fille renfermée et elle a toujours été la fille fascinante que tout le monde veut revoir. Je l’aime de tout mon cœur, mais il arrive parfois que je la déteste, parce qu’on est si différente, parce qu’elle est mille fois meilleure que moi.

Aujourd’hui, j’ai donc vingt ans et mon premier réflexe a été de couper la ligne du téléphone fixe et mon propre téléphone portable pour éviter de prendre tout ses appels. J’ai toujours détesté qu’on me souhaite mon anniversaire, parce que je n’ai jamais rien de bien à raconter, mis à part le fait que j’ai réussis mes dernières partiels et que j’ai acheté un chat roux, dernièrement. Mais grâce à Facebook, tout le monde le sait déjà.

Je me suis regardé dans le miroir de la salle de bain, ce matin et rien n’a changé. Rien n’a l’air d’avoir envie de changer, d’ailleurs. Ce n’est pas une période de transition. Dix neuf ans, vingt ans, rien ne change. Je brosse péniblement mes cheveux avant de les attacher, la moitié de ceux-ci retombant sur ma nuque.

Cette nuit, Olivia a découché. Elle est sortie hier soir et elle n’est pas rentrée. Lorsque l’on sonne à la porte, je prie de tout mon cœur pour que ce soit elle, mon gâteau préféré dans la main, son air heureux de toujours pour me souhaiter un joyeux anniversaire. J’ose sourire en ouvrant, mais en découvrant le facteur, je ressens la fausse joie que je viens de me faire retomber lourdement dans le fond de mon estomac.

- Colis pour mademoiselle Olivia Verblicht.
- Où est-ce que je dois signer? 

Il me tend son stylo en pointant le bas de son reçu. Je soupire tristement et signe à la place de ma meilleure amie.

- Passez une bonne journée!
- Tu parles, marmonnais-je avant de lui claquer la porte au nez.

C’est mon anniversaire, et c’est ma meilleure amie qui reçoit quelque chose! Je pose le colis sur la table de la cuisine, d’un air totalement dépité, avant d’aller prendre quelques biscuits dans le placard. Je m’assois à table en regardant fixement le paquet. Il n’y a aucune adresse d’expéditeur. Le tampon vient de Leipzig. Qui habite à Leipzig? Elle a de la famille là bas? Je colle mon oreille au carton et... ce n’est pas une bombe à retardement. Je termine mon biscuit, et secoue le colis, la bouche pleine. Un simple bruit de froissement s’en échappe. Je suis curieuse de savoir de quoi il s’agit. C’est pourquoi, je dis la bouche pleine :

« Mais de quoi ça s’agit? »

Je soupire de frustration en reposant la boîte. Elle est abimée sur le coté, ce serait un jeu d’enfant de l’ouvrir et Olivia n’y verrait que du feu. Pas une seconde ne s’écoule avant que je ne courre m’enfermer dans la salle de bain, posant le colis sur le meuble, près du lavabo. Elle pourrait rentrer à tout moment et je n’ai aucune envie qu’elle me découvre en train d'ouvrir un courrier qui lui est adressé. Je prends bien soin de fermer la porte de la salle de bains à clé.

- OK, Rose. Tu l’ouvres, tu regardes et tu refermes. OK. OK!

Assise sur la cuvette baissée des toilettes, je passe mon doigt sous l’extrémité mal en point et remonte le couvercle du colis avec une facilité déconcertante. J’en extirpe un long foulard rouge et respire longuement son odeur avant d’apercevoir une liasse de lettres reliées par un morceau de ficelle et une feuille sur laquelle est écrit « Olivia », d’une fine écriture qui ne m’est pas étrangère. Je fronce les sourcils et commence à lire le mot.

«  Liv,

Voilà des années que nous ne nous sommes plus reparlés. Je me souviens parfaitement de l’été où nous nous sommes rencontrés et voilà un petit moment que je ne cessais d’y penser. Nous nous étions fait de grandes promesses. Bien évidemment, je pense que tu as évolué et peut être que tes projets ont changés et que tu n’as plus les mêmes ambitions, surtout en ce qui concerne ce que nous nous étions dit. Je me trouve ridicule d’écrire une lettre pareille. Peut-être as-tu quelqu’un aujourd’hui, ou alors peut-être n’habites-tu pas cette adresse. Toujours est-il que je souhaiterai sincèrement te revoir, ne serais-ce qu’une journée pour discuter de tout et de n’importe quoi comme de vieux amis de colonie de vacances. Si tu désires aussi me revoir et si tu es bien Olivia Verblicht, alors nous n’avons qu’à nous rejoindre dans un café par exemple, je sais qu’il y en a un près de chez toi. Alors tu n’auras qu’à porter ce foulard rouge (au cas ou j’ai du mal à te reconnaitre, si tu avais vraiment changé). J’ai aussi joint à ce colis toutes les lettres que je t’avais écris plus jeune, mais que je n’ai jamais osé t’envoyer. Mon but, en te les donnant n’est pas de te mettre mal à l’aise, mais je pense que tu mérites de les lire, comme tu en étais la destinataire. Je crois avoir fais le tour. Je ne sais pas à quelle date tu recevras ce paquet, le plus rapidement possible, je l’espère. Je te laisse mon numéro de téléphone afin que tu puisses me joindre, pour que nous puissions fixer une date de rendez-vous précise.

J’espère te revoir très vite. A bientôt. Bill. »

Son numéro est inscrit en bas de la page. Je reste interdite devant la lettre qui tremble furieusement entre mes doigts. Je la remets dans le colis avec une rapidité impressionnante comme si elle était en train de me brûler. Dans un premier temps, la culpabilité me ronge. Est-ce que j’ai vraiment bien fait d’ouvrir ce paquet? L’idée que Bill reprenne contact avec Olivia me brise le cœur. Liv a quelqu’un en vue depuis un moment. Elle ne doit même pas se souvenir de Bill. Si elle n’est pas rentrée, c’est qu’elle est probablement restée dormir chez son nouveau coup. Elle a dû réussir à conclure avec lui, pourquoi est-ce qu’elle s’intéresserait de nouveau à Bill? Je l’ai connu la première...

Je me souviens parfaitement de la manière dont ils ont perdu contact. Bill n’a envoyé aucune lettre et quand Olivia tentait de l’appeler, il ne répondait jamais, jusqu’à ce que le numéro ne soit plus attribué. Elle était triste dans un premier temps. Et moi aussi. Étant secrètement amoureuse de lui, ne pas avoir de nouvelles m’avait profondément blessée, tout autant qu’à elle. Nous avons réagis différemment suite à son absence. Olivia l’a oublié en enchainant les petits amis au lycée, puis en devenant plus grande, les coups d’un soir. Quant à moi, j’ai eu un gros blocage avec les hommes et je n’ai eu qu’un petit ami qui m’a plaqué parce que j’étais trop casanière et trop impliquée dans mes études et dans le dessin, tellement qu’il avait l’impression que je ne lui prêtait pas attention. Depuis, je suis devenue cette espèce de vieille fille. Bill a eu un gros impact sur nos relations amoureuse, ce qui a fait que tout à profondément changé.

Pour Liv, revoir Bill serait l’occasion de le blâmer pour ne pas l’avoir contacté et pour le traiter de tout les noms. Alors que moi, je lui pardonnerai. Je lui pardonnerai tout. J’étais vraiment tombée amoureuse de lui. Il avait été si attentif envers moi la première fois qu‘on s‘était parlé, comme personne ne l’avait jamais été auparavant avec moi.

Mes pensées sont monstrueuses. Egoïstes. Ce tiraillement est insupportable. Choisir. L’amour de ma meilleure amie, son intimité, lui rendre ce qui lui appartenait contre les sentiments fort que j’avais éprouvé pour Bill et l’ultime chance pour moi de connaitre quelque chose d’excitant dans ma vie. C’était foutrement difficile. Mais j’avais terriblement envie de penser à moi, pour une fois. Juste pour une fois…

J’allume mon téléphone et de nombreuses alertes font vibrer celui-ci au creux de mes mains. Des appels en absences, des textos pour me souhaiter un joyeux anniversaire, pour la plus grande partie. Je les ignore et compose le numéro de Bill. J’attends quelques secondes et il décroche au deuxième bip sonore.

- Allô?
- Bill, salut, c’est.. C’est Olivia.
- Olivia… Dit-il sceptique, au bout du fil.

Mon cœur bat à mille à l’heure.

- Je viens de recevoir ton colis.
- Olivia! Bon sang, tu vas bien? Il rit. Excuse moi de ne pas t’avoir reconnu tout de suite. Je suis vraiment heureux que tu appelles.
- Ca va, oui, oui, je suis contente aussi que… que tu ne m’aies pas oublié après tout ce temps. C’est incroyable. Tu vas bien, toi?
- Très bien. Ca me fait plaisir de t’entendre. Je pensais que tu n’appellerais jamais. Enfin bon, est-ce que tu es d’accord pour que…
- Oui, bien entendu, le coupai-je. Tu habites à Leipzig, ce n’est pas la porte à coté.
- Je voyage beaucoup, en ce moment. Je ne suis pas loin de chez toi, je peux passer n’importe quand, quand est-ce que tu es libre?
- Hé bien, je ne sais pas, n’importe quand.
- Vendredi, est-ce que ça va?
- C’est parfait.
- C’est parfait, répète-t-il. En début d’après midi, dans le café près de chez toi. Celui avec l’enseigne verte.
- Oui, oui, j’y serais. 

La porte d’entrée se ferme brusquement est des pas claquent dans le salon. Des sueurs froides me prennent. Liv vient de rentrer, alors que je range précipitamment le colis dans mon tiroir personnel, dans le meuble de la salle de bains. Je suis sûre qu’elle ne fouillera pas dedans, provisoirement du moins, jusqu’à ce que j’ai le temps de le changer de place.

- Rose? J’suis rentrée, t’es où!? M’appelle Olivia.
- Je dois raccrocher.
- Oh, d’accord. Pas de problèmes. A vendredi, alors?
- Oui, à vendredi! Bye.
- Aure… 

Je raccroche brusquement en grimaçant et tire la chasse d’eau à blanc avant de quitter la salle de bains. C’est le réflexe, parce que je suis assise sur la lunette. Je rejoins ma meilleure amie dans le salon et dépose le fixe sur son socle avant de m’approche d’elle. Elle porte une veste masculine par-dessus sa robe jaune, foutrement courte. Elle est plus grande que moi de deux têtes avec ses talons.

- Je suis là! 
- Putain, tu devineras jamais où j’étais!
- Laisse moi tenter quand même : Chez le type que t’as dans ta ligne de mire depuis des semaines, dis-je en mimant un pistolet avec mes doigts, la visant.

Elle éclate de rire et attrape ma main en sautillant à pieds joints. J’ai peur pour ses talons et ses minces chevilles quand elle fait ça.

- Oui, bien joué! Et c’est un parfait cuisinier, alors hier soir, on s’est bien amusé, et ce matin… 

Elle me tire par le bras et me montre une boite sur le comptoir de la cuisine. J’écarquille les yeux avant de remonter le couvercle, découvrant un gâteaux énorme à la crème napée d’un glaçage rose, avec mon âge, mon prénom et un « happy birthday » en gros dessus.

- Oh mon dieu, il est magnifique. Tu remercieras ton chef pâtissier, dis-je en glissant un doigt sur le coté pour le goûter.

- Oh mon Dieu, il est excellent.
- Oui, n’est-ce pas? Répond-t-elle fièrement en goûtant le gâteau à son tour.

Je l’enlace fermement et elle glousse encore en frictionnant mon dos, sa peau encore fraîche de dehors contre la mienne me faisant frissonner. L’odeur émanant de sa veste masculine sent l’eau de Cologne. J’embrasse longuement sa joue avant de briser notre étreinte.

- Merci trois mille fois.
- Joyeux anniversaire…

Il ne pouvait pas être meilleur.

FLASH BACK.


A l’ombre d’un arbre, mon petit calepin sur les jambes, je regarde les autres s’amuser. Certaines filles font de la corde à sauter, ou font des colliers de perles. D’autres s’échangent leurs adresses, lisent des livres ou parlent tout simplement. Des garçons jouent à des jeux de société ou embêtent les filles en jouant au foot. Je reprends mon petit dessin en faisant une moue concentrée.

Olivia parle avec de nouvelles copines qu’elle s’est faite. C’était ma plus grosse crainte en arrivant ici. J’avais peur qu’elle me laisse tomber pour d’autres filles plus intéressantes que moi. Je soupire tristement en tournant la page de mon petit cahier, dessinant une nouvelle courbe.

- Pourquoi t’es toute seule?

Je sursaute et me tourne vers un garçon accroupi près de moi. Il porte un jeans, un t-shirt rouge et une paire de converses. Ses cheveux courts et noirs sont parfaitement bien coiffés, il arbore une mèche qui barre son front, une petite masse de cheveux étant colorée en rouge trônant sur celle-ci. Il me regarde curieusement, les sourcils froncés à cause du soleil.

- Je… Je crois que les autres ne m’aiment pas trop.
- Pourquoi?
- Parce que je parle pas beaucoup.

Il s’assoit à mes cotés et se penche au dessus de mon épaule pour regarder ce que je fais.

- Qu’est-ce que tu fais?
- C’est un Flip Book. En fait, je fais tout un tas de dessins similaires, avec un petit plus à chaque fois sur chaque page et puis après, quand j’ouvre le livre assez rapidement, ça fait comme si le dessin bougeait. Regarde, essaye…

Il prend le petit calepin et fait tourner les pages rapidement en souriant, comme émerveillé.

- C’est vraiment trop beau.
- Merci…
- Hé, Rose qu’est-ce que tu f… Oh, salut! Intervient Olivia, debout devant nous, sortant de nulle part.
- Salut, répond Bill en souriant largement.

Il me rend mon cahier, soudainement désintéressé de moi, ne quittant plus ma meilleure amie du regard. Elle lui sourit puis tend la main en ma direction.

- Allé venez! Les moniteurs veulent qu’on fasse un jeu tous ensemble.


FIN DU FLASH BACK.


Ils sont tombés amoureux au premier regard. Après ça, il n’était plus question de les séparer. Olivia laissait tomber sa meilleure amie d’amour qu’elle aimait de tout son cœur et ses nouvelles copines de colo pour Bill. Et le seul garçon qui s’était intéressé à moi, venait de filer sous mon nez, au bras de ma copine la plus chère. Même Tom, le frère de Bill, de qui je m’étais rapproché trouvait qu’ils en faisaient trop. Seulement, nous étions d’accord sur un fait : On ne pouvait pas saboter leur amourette pour notre propre bien. Ce serait égoïste. Immoral. Alors on encaissait, tout les deux, dans notre coin. Je suis certaine que si Tom me revoyait aujourd’hui, il se rappellerait de moi.

Le fait qu’Olivia se mette officiellement en couple avec ce mec sur Facebook apaisa ma culpabilité. Si elle s’affichait avec lui, c’est qu’elle prévoyait de le garder un peu avant de le jeter. Bill n’était qu’un vieux souvenir et désormais, il n’y avait plus que son nouveau copain qui existait. Elle avait tellement trimé pour l’avoir qu’elle ne risquait pas de le plaquer pour un autre de si tôt.

Je finis par attacher mes cheveux en un chignon plus ou moins lâché avant d’entourer mon crâne du foulard rouge de Bill, le nouant sur le sommet de ma tête. A en croire Liv, c’était une coiffure à la mode. Soit! Je mords dans ma lèvre durant dix secondes. Les dix secondes décisives. Je fixe mon reflet dans mon miroir avant de sourire en me rendant compte que ma coiffure tient bien et que ce n’est pas trop moche sur moi. Je maquille mes yeux pour la première fois depuis des mois et pique un tube de rouge à lèvres à Olivia pour m’en mettre une fine couche.

Je quitte la salle de bain après m‘être parfumé, enfile ma veste en jeans, m’examine une dernière fois dans le miroir de l’entrée et quitte l’appartement pour regagner le bar de l’autre coté de la rue. Je rentre à l’intérieur, prends place à la table qui se trouve juste en face de l’entrée et essuie mes mains moites sur mon jeans en guettant la porte, examinant la moindre personne qui entre.

Soudainement, une pensée me fige. Et si il me reparlait de moments qu’il a passé avec Liv, dont j’ignore totalement l’existence? Je me rappelle de chose qu‘elle m‘a raconté, mais je suis bien consciente qu’elle ne m’a pas tout dit! En me rendant compte de la connerie que je suis sur le point de faire, je m’apprête à me lever pour partir tant qu’il en est encore temps. Sérieusement, c’est trop improbable. Je ne ressemble en rien à Olivia, de toute manière. Il me reconnaitrait immédiatement, moi, Rose. Je m’apprête à m’échapper, me précipitant vers la sortie, honteuse d’avoir songer ne serait-ce qu’une seconde à me faire passer pour ma meilleure amie devant son amour d’enfance. En voulant sortir, je rentre dans quelqu’un et recule de quelque pas avant de lever la tête.

Je reste interdite. Bordel… Trop tard.

Il tend sa main vers le foulard dans mes cheveux, un sourire aux lèvres et nous sommes tout les deux surpris par le mouvement de recul assez vif que je fais. Sa main retombe le long de son corps. Son sourire, lui aussi change. Il semble gêné, il se racle doucement la gorge.

- Tu partais?
- Quoi?

Je me souviens que nous sommes tout les deux devant la porte. Il m’empêche de sortir. Je veux parler, mais rien ne sort. Je suis bien trop impressionnée par sa taille, sa présence. Ses longs cheveux ébènes retombant sur ses frêles épaules, ses lèvres roses et son regard noir, pénétrant. Je prends une longue inspiration, sans le quitter des yeux. Mon expression doit être hilarante.

- Tu sortais…
- Je pensais que tu ne viendrais pas, mentis-je.
- Je suis désolé d’être en retard. Mon taxi était coincé dans les embouteillages. Il y en avait pour une bonne vingtaine de minutes et comme je n’avais pas ton numéro, je n’ai pas pu te joindre, alors j’ai décidé de venir à pieds pour être là plus vite. Une minute de plus et tu n’étais plus là, j’ai de la chance, dit-il en souriant.

Je souris en retour et nous retournons nous assoir. Je suis toujours assez anxieuse à l’idée qu’il me parle de souvenirs. Comment faire? Pour l’instant je prie intérieurement pour qu’il ne me demande pas de me rappeler de certaines choses. J‘essaye de m‘imaginer ressemblant à Olivia… Nous nous installons et je me mets à réfléchir.

Le souvenir que Bill doit avoir de ma meilleure amie, c’est celui d’une petite fille brune avec un petit air narquois sur le visage, de grands yeux bleus maquillés de noir, un style un peu alternatif et une paire de chaussures plus grosses qu’elle aux pieds. Pas si différent du style que j’arbore aujourd’hui. Cette pensée m’apaise. Je suis fidèle à l’ancienne image d’Olivia.

Disons qu’Olivia a évolué. Elle était une petite rockeuse jusqu’à ses dix sept ans. Ensuite elle s’est intéressé à la mode et elle s’est féminisé. On est devenue en partie meilleures amies grâce à nos goûts musicaux, grâce à nos passions en commun. Je suis restée bloquée au stade alternatif et bien qu’elle ait énormément changé physiquement, elle est restée la même intérieurement. Heureusement.

- Tu as énormément changé, commence-t-il en me sortant de mes pensées.
- Toi aussi. Tu as laissé pousser tes cheveux…
- Oui et encore, il ne sont pas coiffés comme d’habitude!
- Ah vraiment?

Il se met à sourire en hochant légèrement la tête. Une serveuse vient prendre notre commande. Bill reprend la parole.

- Je suis vraiment heureux d’être là avec toi, je suis aussi content que tu aies accepté de venir.
- Je ne m’attendais vraiment pas à ce que tu reprennes contact avec moi. Tu as juste… Tu es parti et tu n’as jamais plus donné de nouvelles.
- Je sais. Je regrette sincèrement.
- Pourquoi? Pourquoi avoir fait ça?

Il baisse les yeux comme honteux et passe sa langue sur ses lèvres. Puis il me regarde de nouveau après une poignée de secondes en fronçant légèrement les sourcils. Nous restons là, silencieux, à se regarder dans les yeux. Il esquisse un faible sourire puis il détourne le regard subitement pour regarder ses ongles. Ils sont vernis de noir.

- Tout s’est enchainé. En fait, quand je suis entré dans cette colonie j’étais parfaitement conscient que beaucoup de choses allaient changer dans ma vie et aussi que ces vacances seraient les dernières avant bien longtemps.
- Je ne saisis pas.
- Je suis dans un groupe de musique depuis des années. Un manager nous a repéré et quand je suis rentré de colonie tout dans ma vie a changé. Le bouleversement total. J’ai quitté ma maison, j’ai commencé à enregistrer et je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. Je n’ai pas eu un instant à moi pendant plusieurs mois. Quand je suis devenu célèbre mes parents ont changé de numéro de téléphone et quand j’ai finalement pu me poser pour t’écrire une lettre, je me suis dis qu’il était trop tard. Toute celles que tu m’avais envoyé étaient vieilles de plusieurs mois. Je suppose que tu t’es lassée de m’attendre… Je n’ai pas eu la force de me dire que j’avais rompu tout un tas de promesses, je n’ai pas eu la force d’avouer que je t’avais peut être énormément blessé, alors j’ai décidé de te laisser tranquille et j’espérais sincèrement, de tout mon cœur, même si ça faisait mal… J’espérais que tu m’avais oublié.

La serveuse dépose nos commandes sur la table. Je commence à boire pour ne pas avoir à parler. Il prend une brève gorgée de sa boisson et reprend.

- J’ai été stupide et je suis en partie ici pour m’excuser pour ça. Je te devais des explications et je comprends parfaitement si tu me déteste de t’avoir fait ça.
- Pourquoi avoir repris contact avec moi après tout ce temps?

C’est la seule question qui me vient. En y réfléchissant, je sais qu’Olivia aurait demandé la même chose que moi.

- Hé bien, avoir une vie privée quand tu es musicien, c’est assez compliqué… Tu voyages tout le temps. C’est génial. J’adore ça. Je me couche quelque part et je me réveille sur un autre lieu. Je rencontre des tas de personnes, j’entends des gens parler dans des langues différentes… C’est intéressant, mais c’est horrible pour construire quelque chose avec quelqu’un. Il y a ce stéréotype qui affecte toutes les stars… Comme quoi on couche avec les fans et tout ça… J’ai pas le cœur à faire ça, tu vois? J’ai besoin de connaitre la personne avec qui je suis. Tu es en quelque sorte… La dernière personne que j’ai fréquenté avant que tout cela ne commence. Tu es la dernière personne que j’ai pris le temps de connaitre avant d’entamer quelque chose. C’est pour ça que c’était important pour moi de te revoir. Je me doute que tu dois avoir changé après toutes ces années, mais je reste quand même attaché à cette personne que j‘ai connu… Je ne suis pas sûr que ce soit clair, tu dois me prendre pour un dingue de te dire ça…

Comment est-ce qu’il peut parler autant? Il a l’air déjà à l’aise avec moi… Mais ça parait assez logique, en fait. Bill est une star. Il parle avec des inconnus tout les jours et déballe des tas de trucs sur lui et sur son groupe à n’importe qui. C’est simple pour lui de s’adresser à moi avec autant d’aisance. Il me regarde avant de boire dans son verre.

Ses paroles me touchent et je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qu’aurait fait Olivia à ma place. Je me demande si elle l’aurait écouté silencieusement, tout comme moi. Ou si elle lui aurait versé le contenu de son verre sur la tête. Si leur conversation aurait prit cette tournure ou non… Je me demande des tas de choses et j’ai vraiment beaucoup de mal à me mettre dans sa peau. On est tellement différentes…

Je culpabilise à mort. Et ce n’est pas tant sa présence qui m’intimide, quoi que ça joue beaucoup. Mais c’est surtout l’idée qu’il me distingue d’Olivia. C’est le plus gros mensonge que j’ai jamais fait. Je me sens horriblement coupable, en insécurité.

- Je n’ai jamais entendu parler de toi, de ton groupe. Il faut dire que je ne sors pas souvent de chez moi, mis à part pour aller en métro jusqu’à mon Université… Je n’ai jamais entendu parler de Bill et ses acolytes.

Je décide de changer de sujet. Parler de sa vie actuelle vaut mieux que de parler du passé, c’est quelque chose que j’ai moins de mal à maitriser. Il se met à rire. Visiblement, ça le surprend.

- Tokio Hotel. Ca te parle pas?
- Peut être que mes copines de fac ont déjà prononcé ce nom là…
- Tu écouteras? Ca te mettra probablement la puce à l’oreille.
- Je ferais ça. Comment va ton frère?

Deuxième surprise. Son visage est vraiment expressif. Ca m’arrache un sourire.

- Tom! Tu te souviens de Tom? Tu ne parlais pas beaucoup avec lui, pourtant… Il va très bien, il est dans le groupe, lui aussi. A la guitare. Je suis content que tu te rappelles de lui.

Je lui adresse un large sourire. C’est vrai que Olivia n’était pas spécialement proche de lui. C’était surtout moi. Il était devenu mon unique ami de colonie. Il parlait souvent de filles et de guitare. D’ailleurs ça ne m’étonne pas si il occupe le poste de guitariste dans le groupe, il a toujours été vraiment passionné par cet instrument. En y réfléchissant, Tom m’avait parlé de son projet de faire un groupe avec Bill. J’ignore si Bill en avait touché quelques mots à Olivia, lui aussi…

- Et Rose, comment va-t-elle? Tu as gardé contact avec elle? Je suis curieux de savoir à quoi elle ressemble aujourd’hui. On était une sacré bonne équipe quand on était plus jeune, tout les quatre…

Mon cœur s’emballe soudainement, prêt à bondir hors de ma poitrine.

Pardon pour le demi siècle de retard.
J'espère que vous me lirez toujours après tant de temps. Enjoy!

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VI. Hold out your hand and lean upon me, I'll be the one to make you smile.

FLASH BACK.

Voilà comment tout s’est enchainé. Pas deux jours ne sont passés avant que Bill et Olivia s’affichent ouvertement ensemble. Bien évidemment, j’étais la première à tout savoir sur tout, puisque ma meilleure amie me racontait le moindre truc qui se passait entre eux, me faisait lire la moindre lettre d’amour, me racontait en détail le moindre regard et les moindres faits et gestes de Bill à son égard.

Ce soir c’est samedi, et comme c’est samedi, c’est la boom. Bill et Olivia dansent ensemble depuis déjà près d’une demi-heure et mis à part boire de la grenadine dans mon coin tout en les regardant, je ne fais rien. Je pousse un long soupir avant de terminer mon verre. Je me tourne pour le déposer sur la table qui se trouve derrière moi et lorsque je repose mon attention sur eux, Olivia scelle ses lèvres à celles de Bill.

Même pour moi, qui vit le baiser en tant que spectateur, le moment semble durer une éternité. Les larmes me montent aux yeux et incapable d’en supporter plus, je quitte rapidement la zone de la boom -ce qui est interdit- pour aller pleurer dans la forêt qui entoure l’air de danse. Je ne quitte pas le camp, donc je ne risque rien. Il fait noir et au plus je marche, au plus la musique devient sourde.

Je trébuche sur une racine d’arbre qui ressort de la terre à défaut de ne pas voir où est-ce que je marche et retombe au sol, salissant ma robe. A ce stade là, j’en ai plus rien à faire de toute façon. J’éclate en sanglot et m’agenouille dans l’herbe, essuyant lascivement mes mains sur le tissu gris qui recouvre mes cuisses, ne cherchant pas à me reprendre. Je pleure de rage, de tristesse, je pleure pour avoir pris sur moi trop longtemps. Pour avoir supporté tout ça. J’arrache de l’herbe nerveusement et la jette plus loin dans de brusques gestes désespérés avant d’essuyer mon visage du revers de mes mains. Je m’adosse à l’arbre qui m’a précédemment fait tomber, ramène mes jambes contre ma poitrine et enfouis mon visage dans mes bras en pleurant librement, de brusques sanglots me faisant sursauter à de nombreuses reprises.

- Rose?

Je lève subitement la tête vers mon homologue, surprise que quelqu’un me trouve ici. Mon cœur bat rapidement ; je n’ai pas le droit d’être ici. Si il s’agit d’un moniteur, je suis foutue. Je lève les yeux vers cette personne en question et plisse les yeux dans la pénombre pour essayer de distinguer son visage.

- Tom?
- Qu’est-ce que tu fais là? J’ai entendu du bruit, j’ai eu peur que quelqu’un m’ait trouvé ici…

J’essuie rapidement mes larmes alors qu’il s’installe près de moi. Il tire sur ce qui semble être un joint avant de me le tendre. Je souris légèrement en pensant qu'il doit être ici pour ça et m’en empare avant de le porter à mes lèvres. Il recrache doucement la fumée et avant de lui rendre son pétard, je repose ma tête contre son torse, un petit sanglot se coinçant dans ma gorge. Il passe son bras autour de mes épaules.

- Pleure pas à cause d’eux. Ca durera pas.

Je suis agréablement surprise de remarquer qu’il sait ce qui me rend triste. Il caresse doucement mon épaule en me resserrant contre lui. Je laisse échapper un petit soupir, les larmes me montant aux yeux de nouveau. Il fume tranquillement, le silence retombe. Tom est la personne de qui je suis le plus proche ici. On est pas spécialement amis, disons que les circonstances nous ont poussés à trainer ensemble. Si j’avais eu le choix, je serais tombée amoureuse de lui.

- Tu as dansé ce soir?

Je secoue la tête de droite à gauche pour répondre négativement à sa question. Je suis sur le point de pleurer de nouveau. Il écrase son joint dans la terre fraiche avant de se lever paresseusement. Il tend la main en ma direction, silencieusement. Je me saisis de celle-ci et me laisse entrainer par sa force avant de me plaquer doucement contre son torse, son odeur émanant de celui-ci. Je glisse mes bras autour de son cou et il dépose ses mains sur ma taille avec douceur. J’appuie mon front contre ses clavicules et nous commençons à danser au rythme de la chanson que nous pouvons percevoir au loin.


FIN DU FLASH BACK.


Que dire?

En admettant que je lui dise que j’ai gardé contact avec elle, enfin plutôt avec moi, enfin dans l’hypothèse que je suis Olivia et dans l‘hypothèse que je lui dise que je suis toujours amie avec Rose, peut être qu’il serait amené à me demander si il est possible de revoir Rose, en l’occurrence moi et ça foutrait tout par terre.

Le fait qu’il demande si j’existe toujours dans la vie d’Olivia serait aussi une bonne occasion de lui dire toute la vérité, avant que le mensonge ne devienne trop grand, seulement comment lui expliquer pourquoi je suis là à la place de ma meilleure amie? J’ai ouvert son courrier, je me suis faite passée pour elle et tout ça dans son dos, dans le dos de tout le monde, en fait… Il va me trouver ridicule ou alors il va me prendre pour une groupie déjantée ou encore pire, il va penser que Liv m’a envoyé ici à sa place… Et il y aura un gros malentendu par ma faute.

Je réponds rapidement, du tac au tac pour qu’il ne se pose pas trop de questions. J’enchaine bien évidemment sur un mensonge. Un de plus :

- On s’est perdu de vue il y a quelques temps, mentis-je. Elle a déménagé et on est devenue très différentes, l’une de l’autre. Je suppose que c’est la raison pour laquelle on ne se donne plus de nouvelles aujourd’hui.
- Oh, c’est dommage, dit-il comme si avoir des nouvelles de moi l’importait réellement.

Je me sens affreusement coupable de lui mentir et au plus le temps passe, au plus le mensonge prend de l’ampleur et bientôt ce sera quelque chose que j’aurais beaucoup de mal à contrôler. Mais mentir est la meilleure chose à faire dans cette situation, je ne peux tout simplement pas lui dire qu’on habite en collocation, ce serait du suicide. Je hausse légèrement les épaules en faisant une petite grimace avant de boire une gorgée de ma boisson.

Au fil du rendez-vous, mes angoisses se sont peu à peu apaisées. Bill faisait vraiment absolument tout pour me mettre à l’aise et nous nous sommes éloignés du sujet de a colonie, ainsi que de tout ce que nous avions vécu avant -ou du moins tout ce qu’il avait vécu avec Olivia, pour nous concentrer sur le présent. Nous avons discutés de nos goûts musicaux, puis de ses tournées passés, de son succès et des trucs un peu fou qu’il faisait avec son frère et ses deux amis dans les hôtels.

Bill mène une vie plutôt mouvementée et n’a pas une seconde pour lui. Le fait qu’il puisse me voir aujourd’hui est quelque chose de vraiment exceptionnel, puisqu’il me dit qu’il a dû supplier son manager pendant des heures pour pouvoir sortir tranquillement et quelqu’un de son staff l’attend carrément dehors pour le protéger au cas où il aurait des ennuis.

Après deux bonnes heures passées dans ce café, Bill a été forcé de s’en aller. Il doit être très occupé avec son groupe et tout le monde doit le demander tout le temps. Enfin, il n’a pas réellement précisé la raison qui l’a poussé à partir, mais je suppose qu‘il doit s‘agir de ça. Il m’a demandé mon numéro -puisqu’il ne l’avait pas, et après ça il m’a dit qu’il me rappellerait. Il a grimpé dans son van, le type qui le surveillait depuis le début de notre rendez-vous a refermé la porte derrière lui avant de m’adresser un bref regard pour monter dans le véhicule à son tour, me laissant là, sur le bord du trottoir.

Mon téléphone sonne, ce qui me fait brusquement sursauter. Je décroche sans prendre la peine de regarder de qui il s’agit, toujours occupée à regarder la direction qu’emprunte le van.

- Allô?
- Moshi moshi, où t’es passée, chaton? Questionne directement Olivia en criant presque dans mon oreille avec son enthousiasme de tout les jours. J’t’ai pas vu à la maison, j’ai cru qu’on t’avait enlevé.

Je me mets à rire. C’est vrai que je n’ai pas l’habitude de sortir. Surtout pas en période de partielles et encore moins sans lui laisse un mot sur le frigo. Je grimace un peu et traverse la route pour commencer à rentrer.

- J’allais justement rentrer, je suis sortie avec une amie pour prendre un café, faire une pose dans mes révisions.
- D’accord, je t’attends à la maison. Dépêche toi, j’ai plein de truc à te raconter!
- J’arrive!

Elle raccroche et je m’empresse de rentrer chez moi. Malgré les mensonges que j’ai débité tout la journée, je ne peux cesser de penser que c’était vraiment une bonne journée.