[OS]Le Rouge-gorge.

Sujet: [OS]Le Rouge-gorge. Dim 11 Nov 2007 - 13:15

Le Rouge-gorge.

Elle avait marché. Un pas. Deux pas. Trois pas, puis une bonne centaine, voir même plus. Parce que Paris, quoi qu’on en dise, c’est vaste. Elle avait marché et elle s’était retrouvée là, en face de la Tour Montparnasse, son long manteau rouge claquant dans le vent. La tête vide, à contempler les reflets du soleil miroitant sur les vitres. Pendant plusieurs heures elle resta là, ne pensant à rien, ses yeux se levant parfois afin de scruter le ciel ou s’abaissant sur la morne valse des oiseaux. Le ciel s’assombrissait, et pourtant une foule de personnes se pressait encore sur les côtés de l’imposant bâtiment, à la recherche de l’entrée adéquate. Elle les observa un moment et sourit en repérant une jeune fille. Seize ans ? Dix-sept peut être. Quoi qu’il en soit, elle fixait le haut de la tour avec intérêt morbide, triturant un chapelet noir entre ses doigts. Ses pensées étaient tellement faciles à deviner. Il suffisait de quelques minutes d’attention pour se rendre compte que cette adolescente là avait besoin d’aide, et tout de suite. Seulement ces quelques minutes d’attention, bien peu de gens avaient le temps ou l’envie de les lui accorder.
Le sourire de la jeune fille au manteau rouge s’élargit. Elle avait deviné ce qui allait se passer. L’adolescente serait sauvée.
Et en effet, quelques minutes plus tard, un jeune homme vêtu de bleu la bouscula, interrompant sa contemplation muette. Il ne s’excusa pas, courant comme un dératé jusqu’à la tour. Il jeta un rapide coup d’œil aux alentours et repéra la jeune indécise. Il se précipita vers elle, lui arracha le chapelet des mains et le jeta au loin. Puis il la prit dans ses bras et serra fermement ce corps qui tremblait tout contre le sien. Les larmes de l’adolescente se mêlèrent à celles du ciel, qui s’étaient mises à tomber sauvagement. Comme si les étoiles regrettaient qu’une nouvelle ne les ait pas rejointes. Bras dessus bras dessous, les deux jeunes gens s’en allèrent.
La jeune fille au manteau rouge se détourna de la scène, se tournant vers la gare Montparnasse. Laissant ses pas la guider, elle entra se mettre à l’abris des trombes d’eau, par habitude sans doute. Prise d’une subite impulsion, elle décida de prendre le métro. Sans même prendre connaissance de sa destination, elle prit un ticket et alla attendre sur le quai, après avoir descendu les volées de marches menant au sous-sol.
A côté d’elle, un jeune homme et une vieille dame attendaient également, silencieux. Ce jeune homme regardait les gens courir et pester contre la pluie, sur les passerelles. Cela l’amusait.
Il était vêtu d’habits très simples, relativement passe-partout. Des lunettes de soleil et une casquette noire complétaient l’ensemble. Il se dégageait de lui un charisme aussi discret qu’époustouflant.
Un autre jeune homme, affublé d’un étrange bonnet, accourut le rejoindre. Ils n’échangèrent aucun mot, car déjà le métro arrivait. Il s’immobilisa, et la jeune fille au manteau rouge pénétra à l’intérieur. Elle s’assit, sans le savoir et sans s’en soucier le moins du monde d’ailleurs, juste derrière les deux garçons, au bonnet et à la casquette, qui se plongèrent dans un guide touristique. Il n’y avait pas grand monde dans le wagon.
Le métro se mit en branle, fusant comme une flèche jusqu’au prochain arrêt où il s’arrêta à nouveau. Parmi le flot de passagers qui y montèrent, un jeune homme, tenant son cellulaire d’une main et un guide des meilleurs restaurants de l’autre, promena un regard circonspect sur les occupants du compartiment. Son visage s’éclaira en découvrant celui de la jeune fille au manteau rouge. Il vint la serrer dans ses bras avant de s’asseoir en face d’elle.
« Leil ! S’exclama t-il, ravi. »
Sa bonne humeur rayonnait à travers tout le compartiment.
« Quel bonheur de te trouver ici ! » ajouta t-il.
Leil sourit, d’un sourire qu’elle seule savait factice. Leil. Voilà comment s’appelait la jeune fille au manteau rouge. Elle avait toujours voulut croire que sa mère, mourante alors qu’elle prononçait pour la toute première fois ce qui allait devenir son prénom, avait oublié le petit « so » qui lui irait tellement bien. D’ailleurs, extérieurement, elle avait tout d’un soleil, la jeune fille au manteau rouge et au sourire éclatant.
« Craig ! » Fit-elle.
Le sourire de son ami s’altéra.
« Je suppose que tu es venue pour le concert des Tokio Hotel demain soir, pas vrai ?
- …
- J’en étais sur.
- Cela te dérange, soupira t-elle.
- J’en ai marre que tu te focalises sur ce chanteur ! T’as plein de beaux gosses autour de toi, tous près à faire tes quatre volontés ! Regarde les un peu ! »
Le visage de Leil s’était fermé. Elle observait la vitre noire, impassible. Des paillettes d’or dégouttaient de ses cheveux.
« Réponds moi ! S’énerva Craig.
- … ce que j’éprouve pour ce chanteur n’a rien avec de l’amour, Craig. Ce n’est même pas de l’admiration. Je me reconnais en lui, c’est tout.
- Tu ne le connais même pas.
- Détrompe toi. »
Elle se tu un instant, cherchant ses mots, puis parla lentement, expulsant ce qui lui étreignait le cœur.
« Bien sur, je ne peux pas te dire que je le connais vraiment, ou que je lui ai déjà adressé la parole. Mais c’est quelque chose de bien plus profond, de bien plus vrai. Désillusionné. Je peux voir au delà de cette image quasi parfaite derrière laquelle il se réfugie. »
Le métro s’arrêta. Quelques passagers descendirent, une poignée d’autres montèrent. Des êtres sans visages, perdus quelque part dans un autre monde. Une bouffée d’air froid et vif fouetta le visage de Leil lorsque les portes se refermèrent, l’encourageant à continuer.
« Je le vois bien observer les gens, les sourcils froncés. Essayer de les comprendre, sans y parvenir totalement. Comme moi, il les copie, il leur vole leurs expressions, accentue sa gestuelle, juste pour leur ressembler. Nous devons imiter ceux qui nous entourent, faute d’être comme eux. Nous cachons nos différences sous des couches d’illusions étoilées. Pour lui, il faut que ça en jette. Que ça éblouisse suffisamment pour rendre les autres aveugles. Pour moi, c’est exactement la même chose. »
La mélancolie se lisait sur son visage. Un sourire triste s’y installa.
« Je le vois pleurer chaque soir. Pleurer cette incompréhension, cette différence, ces mensonges. Des larmes noires sur une peau trop pâle, trop belle, trop parfaite. Ce désespoir, cette indifférence. »
Des larmes cascadaient sur les joues de Leil. Sur celles du jeune homme à la casquette, juste derrière elle, également. Et le cœur de celui au bonnet tout comme celui de Craig se serrèrent dangereusement.
« Et tu sais quoi ? Continua t-elle. Ce qui doit lui faire le plus mal, c’est de ne pas comprendre la personne qui compte le plus pour lui. Son propre frère. Un jumeau qui est loin d’être à son image. »
Leil ramena ses genoux sous elle et ses mains se perdirent dans son long manteau rouge, cette cascade de sang immatérielle aux milles reflets qui ne la quittait jamais.
« Je le comprends tellement bien que j’en crèverais. Qui sait, peut être qu’ensemble nous pourrions tenter de sécher nos larmes… mais ce monde est trop juste ou trop cruel pour nous avoir permis de nous rencontrer. »
Craig se leva. Un mélange de fureur et de tristesse déferlait en lui. Il se retourna, serra les poings, puis revint vers Leil pour la toiser :
« Je… tu ! »
Il se tu et s’humecta les lèvres, laissant à son énervement grandissant le temps de se calmer. Il ne devait être ni trop brusque, ni trop impulsif, c’était Leil qui le lui avait appris. Lorsqu’il se sentait à nouveau maître de lui-même, il reprit :
« J’aimerais tellement être cette personne vers qui tu te tournerais en cas des problèmes, cette personne à qui tu accorderais toute ta confiance, cette personne à qui tu confirais tout. T’être aussi indispensable que tu l’es pour moi ! »
Leil ne dit rien. Des filets de larmes cascadaient toujours sur son visage, silencieusement. Elle souffrait. Elle souffrait de sa propre indifférence, elle souffrait de ces trop lourdes chaînes qui l’empêchaient d’agir, elle souffrait de ce fossé trop vaste à franchir qui tambourinait entre leurs deux cœurs. Elle souffrait sans savoir que derrière elle, quelqu’un crevait de souffrir autant.
Elle souffrait. Craig le voyait. Et une rage folle s’empara de lui. Il ne le supportait pas. Et il ne pouvait rien faire. Des paroles, expulsant ce trop plein de sentiments qui lui enserrait le cœur et l’esprit, se déversèrent de ses lèvres tremblantes :
« De toute façon, tu n’aurais même pas fait tomber ton masque devant moi si l’atmosphère ne t’y avait pas poussé ! Parce que tu veux que je te dise un truc ? Cette atmosphère est littéralement infestée de ce salopard de chanteur ! Je n’sais pas comment c’est possible, mais ça pu ! »
Craig abattit son poing contre le mur, au moment même où le métro s’immobilisait. Il se précipita dehors, bousculant la vieille dame outragée sans même lui prêter attention.
Le jeune homme au bonnet se leva lentement, et sortit à son tour sur le quai, laissant les deux autres passagers en larmes dos à dos.
Leil mit ses bras en croix et baissa la tête.
« Bill, murmura t-elle. Si seulement…
- … nous pouvions refaire le monde. »
Deux bras jaillirent des deux côtés du dossier et vinrent enserrer la jeune fille. Le visage de Bill sur son épaule, la main de Leil sur son cœur, leurs larmes s’entremêlant confusément sur le grand manteau rouge qui semblait plus lumineux que jamais.
Sur le quai, Craig marchait à grandes enjambées, une ombre le suivant, quelque part derrière lui. Curieusement, son esprit, au lieu de le tarauder quant à sa conduite, était étrangement calme. Il se sentait détaché de ce monde, un peu trop même. Il sortit dans Paris et s’arrêta.
Un oiseau rouge, sur le trottoir.
Un rouge-gorge. Mort.
Craig s’affala au sol et fondit en larmes.
« Je l’aime, bordel ! Je l’aime ! »
Quelqu’un s’assit en tailleur à côté de lui.
Quelqu’un avec de longues dreadlocks savamment entortillées s’échappant de son bonnet trop grand.
« Vos discours m’ont salement ébranlés » lâcha t-il.
Les sanglots de Craig. Le brouhaha de la circulation, tout autour. Le sol trembla légèrement sous eux. Le métro était reparti, filant sans doutes vers un horizon meilleur.
La main de Craig, criant réconfort, vint se perdre dans la poigne de Tom. Ce dernier lui releva le visage et plongea son étonnant regard noisette dans les profondeurs du sien, là où juste celui de Leil avait su descendre jusqu’alors :
« Au lieu de crever d’eux tout seuls, perdus dans notre désespoir… et si on en vivait à deux ? »
Deux adolescents qui se lèvent, et qui regardent en direction de ce grand soleil lumineux, là bas. Ce soleil…
Bill ? Leil ? Ou une nouvelle lueur d’espoir ?
« Mieux vaut crever d’avoir trop vécu que pas assez. »

The End.

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Lun 12 Nov 2007 - 7:50

roooooooooooooh comment j'adore !!!!!!!!!!!

tro tro tro tro tro bo !!

j'adore cette OS ! elle est vraiment géniale !

ouah elle est tellement criante de vérité et de réalisme vraiment je suis en admiration ! on dirait que ça c'est vraiment passé !

et j'aime toujours autant la vision que tu as de bill Wink

au fait, je suis preum's ^^

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Lun 12 Nov 2007 - 9:12

Deuxième ^^

C'est magnifique =) !

Ya des choses tellement vraies, dans lesquelles j'me reconnais tellement... et d'autres que je n'arriverais sûrement jamais à comprendre.

Surtout t'arrêtes pas d'écrire ; )

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Lun 12 Nov 2007 - 16:54

Merci beaucoup tout le monde =)
Je suis contente, très contente.
Ca vous a plu. C'est génial. Et ça me donne envie d'écrire encore. Plus.

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Jeu 15 Nov 2007 - 14:22

Magnifique, explosif, incroyable.............................
merci, merci d'écrire si bien et merci de faire partagé cette histoire magique, merci pour le manteau rouge de Leil, la main de Tom, les larmes de Craig et les bras de Bill, merci de les faire vivre juste pour nous entre une majuscule et un point.
merci

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Ven 16 Nov 2007 - 15:07

De rien et merci à toi d'avoir lu et de me laisser un com aussi génial =)

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Ven 16 Nov 2007 - 18:24

J'crois que j'dois t'le dire : j'me serais bien passée de commentaire.
Tu sais, juste lire à la dérobée, sans laisser aucune trace.
Juste voir si le tien est pareil que tous les autres..
Mais, après cette lecture tu vois, j'pouvais pas, j'pouvais absolument pas me tirer sans témoigner de cette pression qui me sert le coeur, quoi.
Bordel, c'est un truc dans ton écriture, ou peut-être pas, c'est un truc dans ton histoire.
Ou alors c'est ton secret, chut, un artiste ne dévoile jamais rien. =]
Bravo, j'suis soufflée. n__n

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Sam 17 Nov 2007 - 11:08

Merci =)
Cet étau qui te serre le coeur se répercute autour du mien, grâce à ton com.
Merci beaucoup ^.^

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Sam 17 Nov 2007 - 11:34

Wow.
Respect.

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Dim 18 Nov 2007 - 13:33

Tellement minuscule c'que je t'écris par rapport à ton texte, mais si ça te fait plaisir, alors j'en suis ravie. [L']

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Lun 19 Nov 2007 - 14:28

Merci beaucoup les filles ='D

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Mar 20 Nov 2007 - 19:26

c'est waouh...j'ai jamais lu une OS. comme ca c'est magique... indescriptible....franchement c'est vraiment génial on dirait que ça s'est vraiment passé..

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Jeu 22 Nov 2007 - 15:08

Merci beaucoup Loveuz' ='D
C'est sympa d'être passé sur cette OS =)

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Jeu 22 Nov 2007 - 16:45

Très bonne écriture Bimkow, je ne cesserai jamais de le dire! Vraiment bravo, toujours autant de poésie, d'amour et de tristesse.

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Ven 23 Nov 2007 - 14:04

Merci geheimnis =)
Toujours des com's aussi sympas ^^
(L')

Sujet: Re: [OS]Le Rouge-gorge. Ven 23 Nov 2007 - 18:37

j'ai vraiment beaucoup aimé

tu mets tellement d'émotions dans cet OS

<3 je suis in lOVE <3

[OS]Le Rouge-gorge. 10430810

Merci beaucoup =)
Sorry du retard XD

J'ai crut mourire . . .

Je cherche mes termes
mais aucun n'arrivent a la surface.
C'est tellement magnifique !
Un mOt bien trOp ingras pOur qualifier ce texte.
<3
J'ai laissé une partie de mOn cOeur sur tOn OS.
Il ma tOuché au plus prOfOnd de mOn etre
Je ne sais pas pOurquOi?
peut etre juste parce que ce que tu dis
c'est tellement vrais
Je suis en admiratiOn

Je .. Rien ne sort. Je suis même honteuse de ne pouvoir rien dire face à ton écrit si .. Pas de mots, kedal, nada. Je cherche, mais rien. C'est tellement *Waou* que .. mon français s'abat, je suis une paumée totale. Tes mots m'ont dévasté tel un ouragan. Mon coeur bat, tellement ça l'a touché. J'ai savouré chacun des mots. Et pour finir, mon coeur a décidé de me lâcher. Il préfère rester ici, il se sent tellement à sa place. Il a tellement aimé .. Tout ça, ça lui a redonné des ailes. <3. Franchement, Chapeau. Tu as du talent. Merci pour ces quelques minutes de bonheur où j'ai rejoins les étoiles éphèmèrement. <3

[Tu avais raison Belle Soeur, ça valait la peine de lire (L')]

Wawa --> Je prends ça comme un coup dans l'coeur =)

[*italia*] --> Merci =)
Ce mot suffit à me combler de joie ^.^

-* RâlEû$£ 4£v£r *- --> Wow, merci beaucoup ! Moi non plus je ne sais plus quoi dire !
Je suis vraiment comblée, là =)
Contente que mon texte vous ait tellement plu ='D

Merci beaucoup beaucoup beaucoup =)

Il ne nous a pas plu ton texte ... C'était bien plus que ça. <3

Et surtout, ne me remercie pas .. C'est moi qui dois te remercier. <3

=)
J'ai des paillettes sur le coeur <3

Et moi des étoiles dans les yeux. <3

=)

mdr'
Là je sais vraiment plus quoi répondre ^.^

A part "<3"

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