[France/janvier 2011] Fans : quand la passion passionne...

Fans, quand la passion passionne…

Que ce soit sur un plateau de télévision, dans un titre de presse ou en relais sur un réseau social, pas une semaine ne se passe sans que les médias ne s’intéressent à cet étrange individu qu’est le Fan. Entre condescendance et mépris, le mot fait peur ou rire, au choix. Interrogés sur leur impressionnante collection d’objets dérivés à l’effigie de l’Idole ayant acquis un statut de reliques ou filmés pendant l’interminable attente qu’ils s’infligent devant les salles de concert ou de cinéma afin de décrocher les précieuses premières places, le stéréotype des fans a fait du chemin.

Qui n’a jamais souri devant ces images de concerts virant à l’hystérie collective, entre hurlements et évanouissements, des Beatles à Tokio Hotel en passant par les boys band des années 1990 ? Au-delà du pur reportage d’information, le message renvoyé est souvent clair : sorte d’adolescent aliéné dépourvu d’identité et malléable à merci par l’industrie du show business, le fan aurait abandonné toute idée d’exister pour lui-même en vouant sa vie entière à l’imitation d’un idéal, incarnant ainsi parfaitement un symptôme propre à la société médiatique dans laquelle nous vivons.

Forts de s’appuyer sur les travaux d’essayistes s’étant emparés du fan pour en faire l’idéal type du déséquilibré contemporain, les médias exposent couramment ces « monstres de foire » qu’ils auraient, si l’on en croit Adorno, eux-mêmes créés en façonnant la culture de masse.

Ces visions péjoratives contiennent peut-être une part de vérité. Pourtant, en s’intéressant de plus près aux individus composant cette communauté atypique, force est de constater que loin d’êtres des clones interchangeables et passifs, les fans constituent une infinité de personnalités, comme autant de rapports différents à l’artiste selon son histoire propre. Etre fan revient avant toute chose à accepter d’être jugé et perçu comme tel, afin de pouvoir dépasser ce jugement et affirmer son rapport au monde dans sa globalité. L’écrivain et fan d’Indochine Chloé Delaume, s’est interrogée sur sa condition et écrira d’ailleurs à ce sujet « J’occupe brusquement un espace, une place, un profil type. Socialisation spontanée. Je suis La fan d’Indochine. J’ai été recensée. Marquage catégoriel. J’existe. »

Le fan acquiert également par sa détermination à récolter et analyser la moindre information gravitant autour de son idole un quasi statut d’expert sur la question, et il est fréquent que des médias s’intéressant de près à tel ou tel artiste fassent appel à ces fans tant de fois décriés pour obtenir des informations détaillées. Cynisme du système, sans doute. Toujours est-il qu’en gravitant constamment autour de la sphère médiatique dont fait partie son idole, le fan est rapidement apte à se rendre compte des failles et supercheries qui régissent le milieu, et au final, c’est peut-être l’une des choses qui dérangent le plus.

Source : http://www.tintamarre.info