Je m’étais retournée. Des larmes coulaient encore sur mes joues, mais celle-ci n’étaient pas amères. Elles étaient sucrées. Comme si elles contenaient tout le bonheur que pouvaient m’apporter ces 3 simples mots.
« _
Taisez-vous ! hurla ma tante.
Allons-nous-en d’ici Richard ! » Aboya-t-elle ensuite à mon oncle qui lui servait également de mari.
Elle attrapa mon cousin par le bras et le tira hors de la pièce. Il sembla résister et planta à nouveau son regard dans le mien.
« _
Je suis sérieux mère ! dit-t-il alors en se campant sur ses pieds.
Je suis sérieux Lizzie ! Épouses-moi ! »
Mes lèvres tremblaient. Combien j’aurais aimé lui répondre oui avant qu’il disparaisse…
[…]
J’avais passé la nuit la plus horrible de ma vie. Je n’avais dû dormir que 2 ou 3 heures et toutes les mauvaises choses que j’avais appris ces derniers jours tournaient en boucle dans ma tête.
Le soleil commençait à pointer son nez à l’autre bout du jardin et le ciel abandonnait sa couleur sombre pour un doux rose-orangé.
J’avais essayé de me rendormir une fois de plus quand le bruit d’une voiture s’arrêtant dans la cours m’avait fait me redresser immédiatement. Qu’est-ce qu’une voiture pouvait faire chez nous à cette heure-là ?
Je m’étais alors levée d’un coup, avais traversé ma chambre et m’étais collée à la fenêtre qui se trouvait en face et qui donnait la vue sur notre entrée.
« _
Mais… »
Sans ajouter un mot de plus, le cœur battant, je m’étais élancée dans le long couloir et avais dévalé les escaliers en criant.
« _
Non, non, pars pas, t’as pas le droit ! »
Franz qui, comme à son habitude, était planté devant la porte m’avait regardé avec d’énormes yeux comme si j’étais une gamine qu’il n’avait jamais vu et donc qui n’aurait rien à faire là ou non, encore mieux, une gamine courant après son chien avec une paire de ciseau en lui criant de ne pas courir qu’elle ne lui voudrait aucun mal. Sans commentaire.
« _
Mademoiselle, mais qu’est-ce que vous faites debout à cette heure ? »
Je l’avais complètement ignoré, fonçant sur l’immense porte d’entrée en chêne massif. Mais évidemment, elle était fermée.
« _
Mademoiselle…_
Franz, ouvre-moi cette porte ! L’avais-je coupé.
_
Mais mademoiselle…_
TOUT DE SUITE ! »
A mon avis, il avait été plus surprit qu’autre chose que je lui parle de cette manière. J’avais toujours traité tout le monde de manière égale moi, contrairement à certaines autres personnes de la bourgeoisie.
Et finalement, il s’était décidé à m’ouvrir la porte devant mon air implorant. Et surement contre les ordres qui lui avaient étés donnés.
Je m’étais donc ruée dehors en criant son nom. Mais c’est malheureusement la tête de ma tante que je vis sortir de la voiture à cet instant-là.
« _
Rentre chez toi et trouve une façon de me rendre mon argent ! Pour une fois que tu pourrais être utile ! » M’avait-elle alors craché au visage.
Mais je crois que la chose qui m’avait le plus frappé était la façon si singulière dont elle m’avait parlé sur le moment. Comment pouvait-elle se permettre ?
« _
Langue de vipère ! Je ne vous ai rien demandé ! Vous pouvez disparaitre, je n’en ai rien à faire de vous ! Mais vous n’avez pas le droit de nous séparer !_
Bien sûr que si ! C’est mon fils et je dois donc pour ça veiller sur lui ! Veiller à ce qu’il ne détruise pas sa vie à cause de quelque chose de nuisible ! »
Cette parole me fit l’effet d’une baffe. Moi, une chose nuisible ? Je sais bien qu’elle ne m’aime pas et qu’elle a toujours eu quelque chose contre moi, mais de là à dire que je suis nuisible pour son fils…
Et si c’était vrai ?
Et si, en fin de compte, je n’étais pas assez bien pour lui ?
Que la situation actuelle de ma famille pourrait le rendre malheureux ?
Et si…
« _
Allez, on y va ! » lança ma tante au cocher.
J’avais relevé la tête d’un coup, me faisant mal à la nuque par la même occasion et avais crié de toutes mes forces.
« _
Non, tu peux pas partir comme ça ! »
Des larmes de colère coulaient sur mes joues de plus en plus à mesure que la voiture s’éloignait du manoir. C’est alors qu’il s’était arrêté. Et que la porte s’était ouverte. Et que son visage s’était tourné vers moi. Et que de loin, ses yeux avaient capturé mon visage.
Peut-être qu’il venait de se réveiller car il était descendu d’un pas chancelant et bancal et avait ensuite avancé vers moi. Alors d’une façon très élégante, j’avais essuyé mes larmes et mon nez sur le tissu lisse et soyeux qui recouvrait mon bras et j’avais couru à sa rencontre.
Je m’étais alors jetée dans ses bras en pleurant deux fois plus encore.
« _
Lizzie… pleure pas, ça va aller…_
Comment tu veux que je ne pleure pas alors que tu vas partir une fois de plus et que je ne te reverrais probablement jamais ? »
Il avait alors prit mon visage entre ses mains et avait essuyé mes larmes de ses pouces.
« _
Écoutes-moi bien Lizzie. Écoutes-moi bien attentivement. Je ne sais pas quand. Je ne sais pas comment. Mais on se reverra. On se retrouvera. Et ce jour-là, on ne se quittera plus. Je te le promets._
Mais…_
Je te le promets. M’avait-il alors répété.
Alors maintenant tu arrêtes de pleurer. Tu es mille fois plus belle quand tu souris ! »
Et il avait réussi. A travers mes larmes, un faible sourire s’était dessiné sur mes lèvres.
« _
Et ba voilà ! » avait-il ajouté en souriant à son tour.
Nous étions alors resté silencieux quelques secondes.
« _
Bon… il va falloir que j’y aille…_
Pars pas… avais-je soufflé.
_
Je n’ai pas le choix…_
Si ! On a toujours le choix !_
Pas aujourd’hui…_
Je te déteste… »
J’avais collé mon front sur son épaule et je tapais sur son torse de mes poings comme si j’espérais que ça changerait le monde.
« _
Je suis désolé… »
Il avait attrapé mes poings et les avait ramenés vers ma poitrine.
« _
A bientôt Lizzie… »
Il m’avait lâché et avait tourné les talons.
« _
PUTAIN MAIS TU VOIS PAS QUE JE T’AIME ? » avais-je alors crié de toutes mes forces, comme si ces simples mots pourraient lui faire faire demi-tour.
Et il s’était figé. Je voyais parfaitement en arrière-plan ma tante et mon oncle sortir leur tête de la voiture pour voir ce qu’il se passait entre mon cousin et moi. J’avais vu distinctement les lèvres de ma tante former le prénom de mon cousin avec rage, lui criant de venir les rejoindre immédiatement. Et tellement concentrée sur cela, je n’avais même pas remarqué qu’il s’était rapproché de moi avant qu’il ne prenne mon visage entre ses mains une nouvelle fois et qu’il pose ses lèvres sur les miennes.
Les hurlements de rage au lointain étaient atténués par les battements de mon cœur qui résonnaient dans ma tête. Mon cerveau s’embrouillait et je ne calculais plus rien.
Il avait ensuite séparé ses lèvres des miennes, lâché mon visage et murmuré un «
Je t’aime aussi » à mon oreille avant de repartir vers ses parents en courant. Il était remonté dans la voiture en m’adressant un dernier geste et s’était engouffré à l’intérieur. Et sans un dernier regard, il s’en était allé.
Les yeux dans le vague, j’avais remonté ma main tremblante jusqu’à mes lèvres et les avais effleuré légèrement.
« _
Elizabeth ! Elizabeth mon bébé ! Avait alors crié ma mère en s’effondrant à mes pieds et en me prenant dans ses bras.
Ne refaites jamais ça ! »
Refaire quoi ?
Devant mon absence de réaction, elle avait commencé à s’inquiéter.
« _
Elizabeth ! Elizabeth est-ce que ça va !? »
Je ne me souviens plus de ce moment que le cri perçant qui a résonné dans le silence de ce matin de juin pendant que je m’effondrais dans ses bras.