Il fait soleil. Et il étouffe dans son costume noir. Il aime pas ça, le noir. Nan, le noir, c'est pour Bill. Ce matin, il a d'ailleurs écrasé la mine du khôl de celui-ci. Contre sa peau. Et il s'est lacéré de traits. Partout. Visage. Bras. Ventre. Et puis, dans son cou, il a inscrit P-E-T-I-T F-R-E-R-E. Tout doucement. Lettre après lettre, sa violence s'est estompée. Il a posé le crayon et il a regardé son oeuvre. Comme un tatouage. Il aime ça, les tatouages, Bill. Et les tatouages l'aiment. Il faut voir comme ils ont l'ait vivant dans sa nuque, sur son avant-bras ou sur son aine. Tom était là quand son frère a décidé de se faire injecter de l'encre sous la peau la première fois. Il a même eu plus peur que lui. Et mal au cou, aussi.
Une larme coule. Aussitôt refoulée. Ca pleure pas, un garçon. Ca encaisse la douleur, même quand elle le submerge corps et âme et qu'elle révulse chaque atome de son être, non ? Non. La petite goutte d'eau est très vite suivie de ses soeurs. Elle au moins, elle en a encore...
Bill aussi, il pleure. Quand il est énervé, quand il est triste ou qu'il ne sais plus qui il est. Il pleure, mais ça se voit pas tout de suite. Parce que ses cils retiennent les larmes. Et, une fois que ses yeux sont devenus brillants-étoiles, là seulement, il vient voir Tom. Des fois, pour lui crier dessus, d'autres pour le serrer dans ses bras.
Et là, il en aurait bien besoin, Tom, de ses bras. Pour le relever, déjà. Et puis pour l'empêcher de hurler et de frapper le sol. Pour rattacher ses dreadlocks trempées à l'eau de ses yeux...
Mais Bill n'est pas là. Il n'est pas loin, non. Juste là, en bas. Dans une boîte. Il dort. Tom est sûr qu'il fait semblant. Il faut simplement soulever le couvercle et ses cils poudrés de noir cligneront. Mais, pour l'atteindre, il faut dégager la terre qu'on a mis dessus. Et les centaines de fleurs qui font un tapis multicolore. A mains nues, Tom entreprend la libération de son petit frère au rythme de ses spasmes. Les autres sont rentrés. Il voulait pas. Pas maintenant, pas sans lui. Ils ont dit qu'ils reviendraient.
La terre s'infiltre sous ses ongles et il creuse. Encore, et encore. Et encore... Désespérément. Bouche contre sol, il appelle son jumeau.
Il guettera la réponse toute la nuit, avant d'être rammené de force à la maison par son père. Sa maman est là, elle chasse les journalistes...