[OS] Papa, est-ce que je vais mourir ?

Papa, est ce que je vais mourir ?


« Papa, est ce que je vais mourir ? » Questionne la jeune fille.
« Chuuut mon ange, repose-toi » Se contente de répondre le papa, impuissant.
« Papa, pourquoi moi ? Pourquoi je suis si faible aujourd’hui ? » Insiste l’enfant.
« Ton corps se bat, mais il est beaucoup fatigué. C’est pour ça que tu as besoin de dormir »

Leïla est jeune.
Elle a dix ans tout juste.
Elle a l’âge de chérir sa poupée, et de lire les histoires de contes de fées.
Elle a l’âge de jouer à la balançoire, et de courir dans le bac à sable avec son amie.

Mais Leïla n’est pas une enfant comme les autres.
Non, elle ne fait pas partie de ses filles qui pleurent sans raison.
Elle appartient à un autre monde, celui des centres médicaux et des analyses.
Alors que d’autres sont en train d’apprendre le nom des différentes parties du corps humain,
Leïla connaît déjà les fonctions de ses dernières.
Pour elle les mots lymphocytes et anticorps ont une réelle signification.
Alors qu’à son âge certains n’ont jamais posé les pieds dans un centre hospitalier, la jeune fille quant à elle
connaît les couloirs par cœur.
Elle pourrait se rendre à son rendez-vous les yeux fermés.
Mainte fois elle a effectué le même trajet, mainte fois elle a vu le même médecin, mainte fois elle a souffert en silence.

Mais Leïla est forte, elle ne se plaint que rarement.
Malgré la fatigue qui augmente de jour en jour, et son poids bien inférieur
à la moyenne, elle a confiance. Les médecins ont peu d’espoir sur son avenir, mais ce petit bout de jeune femme est persévérant.
Depuis plus de trois ans des marques violacées ont pris place sur sa belle peau douce.
La fièvre et la toux sont devenues en l’espace de quelques temps une habitude.
Mais elle croit en la Science, et est persuadée qu’un jour un remède sera
définitivement trouvé.

« Leïla, tu sais que tes anticorps sont de moins en moins nombreux ? » Explique le médecin
« Oui M’sieur. » Répond la jeune fille, consciente à ce jour du problème.
« Il faut que tu sois prudente, tu ne dois pas faire n’importe quoi avec ton corps.
Aujourd’hui dis-toi que chacune de tes cellules est très importante pour que tu te sentes un peu mieux »
« Mais bientôt je n’aurais plus besoin de faire attention. Les chercheurs vont trouver un méchant
produit qui tuera tous ces virus qui infectent mes cellules ».
« Tu sais très bien qu’il est difficile de le trouver ce virus parce qu’il se cache dans tes cellules.
Il ne veut pas qu’on le tue, alors il se protège » Dit calmement le docteur.
« Oui, vous me l’avez déjà répété de nombreuses fois. Mais je suis sûre qu’un jour un grand monsieur trouvera une solution.
Et à ce moment là le SIDA aura disparu. Je n’ai pas peur de lui ! »
« Tu es très courageuse tu sais … »
Se contente de répondre le médecin, surpris face à la détermination de cette enfant.

Elle n’a que douze ans, mais elle est dotée d’une volonté incroyable.
Elle a bien plus de vécu et de maturité qu’un jeune adolescent de
quatorze ans qui sort seulement le week-end pour faire une partie de football.
Elle, ses seules véritables sorties ne sont que très rares.
Chacune d’entre elle est à prendre au sérieux. Le moindre virus pourrait lui être fatal.
Chacun de ses gestes est à surveiller. Elle peut avoir une baisse de tension à n’importe quel moment.

Mais Leïla grandit, et supporte de moins en moins cette absence de vie sociale comme tout enfant de son âge.
Elle s’affirme petit à petit, et veut faire comme ses amies.
Ces murs blancs, et cette odeur médicale lui donnent de plus en plus la nausée.
Alors elle préfère s’aérer, et profiter de ses dernières années à vivre.
Car elle le sait, elle ne pourra jamais être mère de famille …
Elle néglige son traitement, le seul lien qui lui permet encore d’avoir les pieds posés à même le sol.
Ses rendez-vous chez le médecin se font de plus en plus rares.
Erreur ! Son immunité baisse de jour en jour.
Erreur fatale !

Elle a seize ans. Âge des premières fois …
Vêtue d’un top noir et d’un short elle se rend en boîte.
Elle assume sa maigreur, et se déhanche sur la piste de danse.
Ses dernières années elle veut les vivre à fond. Peut-être même trop.
Face à cela la raison n’y peut rien, l’inconscience prend le dessus, elle boit.

Elle boit jusqu’à se sentir libre. Sensation qu’elle n’avait pas ressentie depuis bien longtemps.
Elle est libre, oui libre. Mais que partiellement. Il ne s’agit là que d’un état passager.
Elle saisit son téléphone portable, s’éloigne de la salle, laisse un message.
Sa tête tourne. Des nausées viennent plomber l’ambiance.
La fatigue se fait de plus en plus présente. Elle tombe une première fois, et tente de se relever.
A peine le temps d’être de nouveau sur pied, qu’elle retombe.

« Tu te souviens Papa de cette question que je t’avais posée ?
Est-ce que je vais mourir ? J’avais dix ans à l’époque.
Je pensais qu’un remède ferait rapidement son apparition et que dans
quelques années je serais entièrement guérie. Mais j’ai
pris conscience que le SIDA est certainement la pire chose
qu’il puisse exister dans le domaine médicale. Il est perspicace et ne se laisse pas faire.
J’espère de tout cœur qu’un jour un prix Nobel sera décerné
à la personne qui aura trouvé le vaccin efficace. Cela ne se fera
pas dans l’immédiat, mais il se fera, je le sais, je le sens.
Maman ? Promets-moi de te battre le plus longtemps possible contre cette
maladie. Elle ne doit pas t’atteindre comme elle l’a fait avec moi.
Je n’ai plus la même volonté qu’avant, je ne peux plus … J’ai voulu profiter de mes derniers instants de vie. Je l’ai fait.
En ce moment même, je me sens libre. Libre comme jamais je ne l’ai été.
Et c’est exactement ce qu’il me fallait. Cette sensation de bien être à 100%.
Il fallait que je ressente ça au moins une fois dans ma vie. Aujourd’hui c’est chose faîte.
Je peux donc partir en paix, partir dans un autre monde où aucune maladie n’existe.
Les anges seront là pour veiller sur moi, et moi je
serais là pour veiller sur vous, comme vous l’avez fait en me protégeant ses seize longues années.
Je ne vais pas tarder à décoller, dans quelques minutes je seras déjà ailleurs, je le sens. Au revoir.
Je vous aime. »

Une goutte de pluie tombe sur la pierre tombale.
Une larme ruisselle lentement le long du visage de ses parents, et finit par rejoindre la goutte précédemment tombée.

Le téléphone lui, reste posé près du pot de fleurs.
« Vous n’avez plus de nouveaux messages. »

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