FreedOm' Ich Bin Da
Nombre de messages : 3266 Age : 31 Ma localisation : Saint Jérôme Date d'inscription : 10/02/2007
| Sujet: [O.S.] De l'Amour à la Folie. Ven 14 Mai 2010 - 1:11 | |
| Ca faisait longtemps que je n'avais pas posté d'OS. Manque d'inspiration, sûrement. Et puis ce soir... L'inspiration a carrément débordé. Un OS, un très long OS, qui aurait presque pu finir en fiction. Hm... J'espère qu'à la fin vous saisirez le jeu de mot dans le titre. Âme dépressive et influençable, s'abstenir. (: Musiques d'ambiance : - Komm - Tokio Hotel - The World Behind my Wall - Zoom - Tokio Hotel - Hush - Automatic Loveletter À écouter dans l'ordre, si possible. Sur ce, bonne lecture. (: De l'Amour à la Folie. La sonnerie stridente du réveil me tire brutalement des bras de Morphée. Je hais les lundis matin. Surtout ceux pendant lesquels notre patron nous briefe. Ce matin, je dois lui présenter un projet que je prépare depuis trois mois maintenant. Les directeurs de nos entreprises à l’étranger seront là aussi ; je ne joue pas ma carrière, mais presque. Une grosse promotion m’attend à la clé, et ce serait l’occasion d’emmener mes deux meilleurs amis et mon frère en vacances dans les îles. Je sais qu’ils rêvent d’y retourner depuis... Et bien, depuis que le groupe est tombé dans l’oubli, que nous avons dépensé tout notre agent, pensant que ce n’était qu’une mauvaise passe. Enfin, tout ça, c’est du passé. N’y pense plus, Tom. Enfile ce costume, et oublie l’aisance que t’offraient tes baggys. Ne pense pas à tes tresses que tu soignais tant, ne pense pas à ton piercing que tu avais l’habitude de titiller, ne...
- Tom, tu vas être en retard, frangin ! - Oui, Bill...
J’enfile le pantalon noir, bien trop étroit à mon goût, noue une cravate autour de mon cou et empoigne ma veste.
- Tu vas la froisser, comme ça. - On s’en fiche, il fait encore chaud dehors... Ils ne m’en voudront pas si je reste en chemise. - Ça, c’est ce que tu penses.
Je soupire et finis par enfiler la veste. Mon frère sourit ; je remarque qu’il fait tourner son trousseau de clés autour de son index, distraitement. Je suis certain qu’il est plus nerveux que moi à propos de cette réunion...
- Calme-toi, petit frère, ça va bien se passer. C’est qui le meilleur ? - Toi..., chuchote-t-il en baissant la tête. - Merci pour toute cette conviction, ironisé-je.
Il s’excuse d’un sourire, puis descend. Je le suis jusqu’à l’extérieur, où sa voiture est garée.
- Je te dépose ? - J’y compte bien, souris-je.
Il actionne le déverrouillage à distance de la voiture et va s’installer derrière le volant. Je prends une grande inspiration puis m’assois à côté... À la place du mort. Oh, Tom, arrête de penser à ça. Arrête de penser tout court, en fait.
- J’ai les idées noires, aujourd’hui, grommelé-je. - À cause de la réunion ? - Non... Je connais mon projet sur le bout des doigts, j’y ai travaillé tellement longtemps... Non, je ne sais pas. - Tu t’inquiètes pour rien, je pense. Tu n’as qu’à... Tu n’as qu’à...
Il désigne la boîte à gants du menton, sans quitter la route des yeux. Je l’ouvre et n’y trouve rien d’autre que ses papiers et son paquet de cigarettes.
- Je suis censé faire quoi ? - Fumer. - Dans ta voiture ? Tu as pris un coup sur la tête, Bill ? raillé-je. - Vas-y, je sais qu’il n’y a que ça qui te détend. Enfin, les filles aussi savent le faire, mais je n’en ai pas dans ma boîte à gants, tu vois... Et abaisse ta fenêtre, tu seras gentil.
Je l’observe un moment ; il le remarque, puisque ses joues prennent une couleur rose faiblarde. Il a toujours été comme ça, mon frangin. Les caméras ne l’ont jamais dérangé, le regard des fans non plus ; mais que moi, je le regarde fixement et intensément... Au moins, ça prouve qu’il donne une certaine importance à ce que je pense. Et c’est parfaitement réciproque, sauf qu’il ne le sait pas.
POV omniscient.
Soudainement, Tom fut propulsé à l’avant, sa ceinture de sécurité l’étranglant. Il posa ses paumes contre le tableau de bord sur lequel était inscrit « airbag » et tenta de reprendre son souffle. La voiture s’immobilisa entièrement. Tom recula vivement contre le dossier, posant ses deux mains sur sa gorge rougie. Il jeta un regard en direction de son frère, qui tenait fermement le volant, les jointures de ses mains ayant blanchit.
- Bill, ça va ?
Ce dernier ne bougea pas. Ne cilla même pas. Tom posa une main sur son épaule, et son corps tout entier se tendit. Bill était horriblement froid et dur, telle une statue de marbre. Lorsque Tom retira sa main, la tête brune pencha vers l’avant, dévoilant à l’arrière de la nuque un trou béant ensanglanté. Tom se figea, son esprit s’embrouillant au milieu de milliers de questions. Il n’en revenait pas. Il n’y croyait pas. C’était impossible. Soudain, un coup de klaxon le fit sortir de sa transe. Son rythme cardiaque, sa respiration s’accélérèrent brusquement, et les larmes noyèrent son visage silencieusement. Il était déchiré. Déchiré de l’intérieur, son âme, son cœur, il était transpercé par la souffrance. Alors qu’il venait de défaire sa ceinture, quelque chose heurta l’arrière de la voiture, le projeta à l’avant. L’airbag ne se déclencha pas, et son crâne heurta le pare-brise...
Il ouvrit les yeux, se redressant d’un seul coup. Aussitôt, il plaqua sa main contre son front et n’y trouva rien d’autre que de la sueur. Il repoussa ses couvertures et sortit de sa chambre en courant, se précipitant dans la pièce voisine. Son frère dormait paisiblement, les bras en croix, son drap recouvrant son boxer noir et une partie de son torse. Tom sourit, apercevant au coin de ses lèvres un fin filet de salive couler jusque sur sa joue et s’échouer sur son oreiller. D’habitude, il trouvait ça drôle et ne manquait aucune occasion de le rappeler à son frère. Mais cette fois, c’était plutôt rassurant. Un énorme poids s’envola, il referma la porte délicatement, sans un bruit, et retourna dans sa chambre. Il ne restait que dix minutes avant que son réveil ne sonne. Il le désactiva et alla prendre une douche. L’eau tiède finit de le détendre, mais il ne put effacer ces images – pourtant fictives – de son esprit. Il n’avait jamais cru aux rêves prémonitoires, mais il n’avait jamais été confronté à ce genre de situation. Rêver de la journée qui allait suivre, rêver de ce qui allait peut-être se dérouler quelques minutes plus tard... Il coupa l’eau, sortit de la cabine de douche et enroula une serviette autour de sa taille. Dégoulinant, il retourna dans sa chambre et sortit son costume de son armoire. À force de douter, il ne savait plus quel jour il était, réellement. Il se tourna vers sa table de chevet, sur laquelle était posé son portable, lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit.
- Salut, frangin ! Bien dormi ? - Hm.
Il se tourna vers son armoire – tournant le dos à son frère – laissa tomber sa serviette et enfila un boxer noir.
- Quel jour on est ? demanda-t-il tout en enfilant son pantalon de costume. - Le 11. Ta réunion, c’est bien aujourd’hui, non ? - Oui, maugréa-t-il. - Ça va bien se passer, t’en fais pas.
Tom esquissa un sourire, que son frère lui rendit avant de ressortir. Il termina de s’habiller, noua nerveusement sa cravate autour de son cou et attrapa sa veste. Il posa la main sur la poignée de la porte, et s’arrêta. Tout se déroulait exactement de la même manière. Et ça ne devait pas arriver, sous aucun prétexte. Il enfila sa veste, la lissant parfaitement, puis sortit, satisfait. Bill était dans la cuisine, buvant tranquillement son chocolat chaud. Depuis qu’il avait coupé ses cheveux – ils avaient à présent la même coupe – il passait nettement moins de temps à se préparer le matin. Il s’habillait le plus simplement du monde, avait coupé ses ongles, oublié le maquillage... Bill n’était plus le même. Tom non plus, à vrai dire.
- Tom, tu vas être en retard, frangin. - Oui, B...
Il laissa sa phrase en suspend, ayant comme une impression de déjà vu. Bill arqua un sourcil, reposant sa tasse.
- Ne stresse pas comme ça, Tom, ça va bien se passer. - Je sais... Dis, on prend ma voiture, aujourd’hui ? - Tu veux me déposer ? Mais tu vas arriver en retard à ta réunion ! - Pas du tout, si on s’y prend assez tôt. J’avale un truc rapidement, tu finis de te préparer et on y va. - D’accord...
Bill se leva, déposa sa tasse dans l’évier et se retourna. Il regarda son frère un instant, puis haussa les épaules et sortit. Tom soupira et s’appuya sur la table, baissant la tête. Il ferait un détour, il éviterait la rue que Bill avait empruntée dans son rêve, il le déposerait à son bureau et repartirait en s’assurant qu’il soit en sécurité, à l’intérieur du bâtiment. Depuis qu’ils avaient emménagé à New York, ils avaient assisté à un nombre considérable d’accidents de la route. Peut-être était-ce mieux de prendre le tramway ? Non, il n'allait pas jusqu’au bureau de Bill, et il leur faudrait prendre un taxi. Il y avait quatre chances sur cinq que le chauffeur emprunte cette route en question, et puis, il arriverait en retard. Non, on est mieux servi que par soi-même, après tout.
Bill le rejoignit, son attaché-case à la main, ce qui contrastait plutôt étrangement avec son jeans délavé et son tee-shirt difforme. Tom haussa les épaules, puis remarqua qu’il portait exactement le même tee-shirt que dans son rêve.
- Tu... Tu ne veux pas mettre un autre tee-shirt ? - Tom, on va finir par être en retard ! Tu veux vraiment rater ta réunion ou quoi ? Je croyais que c’était important, que tu allais avoir une promotion... - Oui mais...
Il repensa alors aux vacances qu’il voulait lui offrir et se ravisa. Ce n’était pas un tee-shirt qui allait jouer sur son destin, tout de même ! Il attrapa ses clés sur la commode de l’entrée et sortit. Son frère sortit à son tour, tirant la porte derrière lui. Il ferma à double tour et se dirigea vers sa voiture. Il enclencha l’ouverture à distance, Bill posa sa main sur la poignée, mais les phares clignotèrent de nouveau. Le brun tourna la tête vers lui, le regard interrogateur. Tom l’ignora, contourna la voiture et glissa la clé dans la serrure. Bill soupira discrètement, lassé par l’attitude étrange de son frère, et s’installa sur le siège. Tom s’assit derrière le volant, regarda autour de lui, puis finir par fermer sa portière.
- Tu es sûr que tu es en état de conduire ? s’inquiéta Bill, pour qui le comportement de Tom devenait de plus en plus préoccupant. - Bien sûr ! Je suis... nerveux, voilà tout. - Je croyais que tu étais le meilleur, sourit Bill en ouvrant la boîte à gants. - Mais je suis le... Non ! Ne fume pas !
Bill sursauta et lâcha le paquet de cigarettes qu’il venait de prendre. Il tourna la tête vers son frère, l’air surpris et effrayé.
- J’ai... j’ai décidé d’arrêter, mentit Tom. Alors... s’il te plaît, tu pourras fumer quand tu seras arrivé... - Oh, bonne résolution. Je pense que je devrais arrêter aussi... À deux, ça sera plus facile.
Tom acquiesça puis mit le contact. Il prit une grande inspiration, activa son clignotant et sortit de sa place de parking. Bill abaissa le pare-soleil et se regarda dans le petit miroir, se frottant la joue pour essayer de faire disparaître la marque de son oreiller. Tom sourit, le voyant faire du coin de l’œil, et détourna une seconde les yeux vers le paysage. Cette seconde suffit pour qu’il perde le contrôle de son véhicule. Un klaxon en face le fit sursauter, alors qu’il déviait totalement sur la voie de gauche. Bill attrapa le volant et les ramena à leur emplacement initial. Tom freina, entrainant une série de coups de klaxon derrière eux.
- Tu es sûr que ça va, Tom ?
Tom posa sa tête contre l’appuie-tête de son siège et ferma les yeux une seconde. Une nouvelle seconde d’inattention. Une douleur fulgurante le prit au niveau de la gorge, le traversant jusqu’à la nuque. Il ouvrit les yeux brusquement sous l’effet de la surprise, n’eut pas le temps de réaliser, ni de souffrir, que la vie le quittait déjà. Derrière, les chauffeurs s’impatientaient. Celui qui les suivait avança, heurtant leur voiture plus fort que prévu. Bill, qui était encore sous le choc, n’ayant pas réalisé ce qui était arrivé à son jumeau se retrouva projeté à l’avant. Mais avant que son crâne ne touche le pare-brise, il ferma vivement les paupières, sentit sa tête tourner et se retrouva à l’horizontal. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était dans l’obscurité totale. Se croyant mort, il se tourna, glissa et tomba au sol sur un tas de vêtements. Il était dans sa chambre, son cœur battait la chamade, son sang tapait contre ses tempes... Il se redressa, courut vers sa porte, et lorsqu’il l’ouvrit, se retrouva nez à nez avec son frère.
- Tu... Tu... Tu vas bien, Tom ! Oh mon dieu !
Il se mit à sangloter. Son frère le serra contre lui, soulagé. Il caressa son dos, le berçant lentement. Bill s’agrippa à son tee-shirt et s’enivra de son odeur, le visage enfoui dans son cou.
- Habille-toi, on va prendre le tramway.
Bill se recula, essuya ses yeux et fixa son frère.
- Dépêche-toi, on sera à l’heure.
Bill se retourna, alla d’habiller avec les premiers vêtements qu’il trouva, fourra tous les papiers qui étaient étalés sur son bureau dans sa mallette et attrapa son portable. Le 11. Ils étaient toujours le 11 septembre 2016, ils avaient toujours 26 ans... et ils étaient toujours vivants.
- Bill ! Tu es prêt ? demanda son frère depuis le rez-de-chaussée. - J’arrive !
Il prit sa veste et descendit. Contrairement à ce qu’il attendait, son frère ne portait pas de costume noir, mais un jeans simple et un tee-shirt uni.
- Mais ta... - Ne parle pas de ça. On s’en fiche. Viens.
Il tendit sa main, que Bill saisit, et tous deux sortirent. Ils coururent jusqu’à l’arrêt le plus proche, s’engouffrèrent dans un wagon et s’assirent. À cette heure, le tramway était presque désert. Tom vérifia qu’il avait assez d’argent sur lui pour payer un taxi, puis appuya sa tête contre la vitre fraîche derrière lui.
- Tom, ton... ton... tu as oublié ton projet à la maison !
Tom sursauta et regarda autour d’eux. Il avait raison. Quel idiot !
- Oh... tant pis. Je m’en fiche de cette promotion. On n’ira pas en vacances aux Caraïbes cette année, on... on retournera chez maman.
Bill arqua un sourcil, puis haussa les épaules. Le tramway s’arrêta. Ils se levèrent et descendirent. La station de taxi était de l’autre côté de la route. Il leur suffisait de traverser... Bill prit la main de son frère, souffla puis ils posèrent un pied sur l’asphalte. À l’instant même, un crissement de pneu se fit entendre. Tom, sur le qui-vive depuis qu’ils avaient franchi la porte d’entrée, tira son frère en arrière, lui faisant éviter de peu de se faire heurter par une voiture. Ils se retrouvèrent au sol, apeuré, alors qu’une foule se rassemblait autour d’eux.
- Monsieur, ça va ? lui demanda une petite fille à côté de lui.
Tom se força à sourire, se releva et aida son frère à en faire de même.
- Vous voulez qu’on appelle les secours ? - Non, ça va aller, merci.
Il se fraya un chemin parmi les gens, entraînant son frère derrière lui, puis ils gagnèrent la station de taxi. Ils s’assirent à l’arrière de l’un deux, et Tom indiqua Lower Manhattan au chauffeur. Le bureau de Bill se trouvait dans ce quartier d’affaires. Le chauffeur démarra et partit. Et c’est lorsqu’ils arrivèrent dans la rue de son rêve qu’il se mit à paniquer. Il était trop tard pour faire demi-tour, ou même pour faire arrêter la voiture. Il vit arriver l’emplacement de leur mort tel un mur vers eux. Serrant la main de son jumeau, il ferma les yeux et attendit. Rien ne vint. Le chauffeur tourna, changeant de rue, et continua sa route. Les deux jumeaux échangèrent un regard soulagé, se détendirent et attendirent. Lorsque le véhicule s’arrêta devant l’imposant building, en face du Battery Park, ils étaient toujours sains et saufs. Tom adressa un sourire à son frère, lui souhaita une bonne journée et le regarda sortir. Il pénétra dans le bâtiment sans se retourner. Tom pria alors le chauffeur de l’emmener sur Wall Street. Le chauffeur regarda brièvement sa tenue, qui n’avait rien d’un homme de Wall Street. Il haussa les épaules et s’engagea.
Tom arriva peu après dans son bureau, les mains vides. Il se laissa tomber sur son siège, la tête en arrière et soupira. Son patron entra dans la pièce.
- Ah, Kaulitz, vous voilà. Mais... Votre costume ?! - Je... Mon frère a failli se faire renverser par une voiture ce matin, monsieur, je... je suis sorti aussi vite que j’ai pu... - Une chance que j’en aie toujours un de rechange dans mon bureau. Je vous l’apporte. - J’ai... oublié mon projet.
Son patron se figea, la main sur la poignée.
- Vous avez de la chance, les directeurs ne sont pas encore arrivées, leur avion a du retard, apparemment... Retournez chez vous, allez vous changer et prenez votre projet. S’ils arrivent entre temps, je me débrouillerais pour les faire patienter. - Merci, monsieur.
En moins de dix minutes, Tom fut de retour chez lui. Il se changea, récupéra son dossier et monta dans sa voiture. Il ne pensa pas une seconde à son rêve, trop préoccupé par la réunion qui l’attendait. Il se gara dans le parking de son entreprise, retourna au 27e étage, et entra dans la salle de réunion. Son patron discutait avec deux hommes en costume trois pièce.
- Bonjour, messieurs, les salua Tom. - Monsieur Kaulitz, voici monsieur Felton, directeur de notre entreprise en Angleterre, et monsieur Achter, qui nous vient d’Allemagne. - Enchanté, fit Tom en allemand.
Le directeur sembla se réjouir de trouver un allemand en face de lui. Un point positif qui fit légèrement pencher la balance en leur faveur : un allemand, quelqu’un de son pays, ayant les mêmes origines que lui, quelqu’un de confiance.
Peu après, les directeurs de Chine et du Japon ne venant pas, le patron de Tom décida de commencer. Le jeune homme étala ses feuilles sur la table et commença à présenter son projet, avec un humour dosé et une légèreté agréable. Il avait l’impression d’être avec des amis de son patron, plutôt qu’avec ses supérieurs. Ils riaient, lui posaient des questions de manière totalement détendue, plaisantaient...
Lorsqu’il eut finit, alors que son patron discutait avec ses collègues, Tom rangea ses feuilles. Il sourit, alors que ses supérieurs se tournaient vers lui.
- Monsieur Kaulitz.
Tom releva la tête.
- Après le travail exemplaire que vous venez de nous fournir, mes collègues et moi sommes d’un même accord pour vous donner une promotion digne de votre performance.
Tom lâcha son dossier. Ses feuilles s’éparpillèrent, il ouvrit légèrement la bouche, n’en croyant pas ses yeux. Son patron s’esclaffa.
- Voyons, ne vous mettez pas dans cet état là, vous l’avez amplement mérité... - BILL ! hurla Tom, en se précipitant vers l’imposante fenêtre en face de lui.
Les trois hommes le suivirent du regard. Lorsqu’ils virent ce qui l’avait interpelé, ils se levèrent et se précipitèrent à son côté. Tom, les mains posées contre la vitre, commença à paniquer. Il ne pouvait y croire, c’était impossible. Impossible. Non. Pas aujourd’hui. Pas là-bas. Pas encore. Non. Il fit volte-face et couru en dehors de la pièce. Jamais il n’eut rejoins le premier étage depuis son bureau si rapidement. Il entra dans sa voiture, démarra et s’engagea sur la voie. Les feux, les panneaux de limitations, les piétons qui patientaient pour traverser... peu lui importait. Il fonçait tout droit, les yeux figés devant lui, l’esprit embrumé. Il était partagé entre l’espoir, la peur, la tristesse, la colère. Bill était en pause, il n’avait pas pu résister à une petite cigarette... Oui, voilà, il était dehors, sur le trottoir, fumant avec la secrétaire de son patron. Comment s’appelait-elle, déjà ? Hope. Mademoiselle Hope. Elle lui porterait chance. Dans la rue, les voitures étaient arrêtées, leurs passagers sortis, et tous regardaient en l’air. Certains pleuraient déjà, bien conscients de ce qui arrivait. Le cauchemar recommençait. Ils tournaient en rond, tous allaient revivre la même épreuve une deuxième fois, le monde serait sous le choc, une fois de plus. Un énorme tremblement fit revenir Tom à la réalité. Il sortit de sa voiture, sans prendre le temps de refermer la portière, et se faufila entre les véhicules. Ses mains tremblaient, ses jambes flageolaient. Il savait déjà ce qu’il allait trouver. Il savait déjà ce qu’allaient être les prochaines heures ; de la pure torture. Des cris d’effroi s’élevèrent autour de lui. Il s’arrêta et leva les yeux. Un avion fendait l’air et allait droit sur la deuxième tour. Lorsqu’il entra en contact avec le luxueux building, une explosion phénoménale illumina le ciel. Les cris ne cessaient plus. Tom vit un homme tomber du haut de la première tour. Son frère était là. Son frère était dans ce bâtiment en feu. Et il ne se souvenait pas de l’étage auquel se trouvait son bureau. Il priait de toutes ses forces pour qu’il soit en-dessous de l’explosion, ce serait sa seule chance de survie.
Après de nombreuses heures durant lesquelles tous les pompiers des environs, qui avaient été mobilisés, avaient combattu contre les flammes, après de nombreux cris de désespoir qui brisèrent le cœur de Tom, après seulement très peu de survivants – trop peu – le calme, ou presque, reprit place. Le ciel était gris, le monde était gris, le visage des gens triste, tous étaient anéantis de revoir cette scène se dérouler sous leurs yeux une fois de plus. Tous étaient impuissants. L’espoir continuait de faire battre les cœurs, alors que la tristesse en avait tué d’autres. Ce n’était pas l’apocalypse. Ce n’était pas la fin du monde. C’était bien pire. On avait une fois de plus mis fin à des milliers de vies, on avait brisé des millions de rêves. On torturait une fois de plus des centaines, des milliers de familles. On avait séparé des parents de leurs enfants, on avait brisé des couples, on avait réduit à néant des vœux d’union éternelle... Et surtout, on avait séparé deux moitiés. Deux âmes sœurs. Tom et Bill. Bill et Tom. Deux jumeaux insignifiants pour beaucoup à présent, mais qui avaient fait partie de nombreuses vies, avant. Deux jumeaux, qui n’étaient plus rien. L’un sans l’autre, c’était inconcevable. Jamais leur complicité, leur attachement, leur amour n’avait été si blessés. Leurs disputes, leurs désaccords, leurs querelles, tout ça n’était rien. Absolument rien. À pas lents, à pas hésitants, Tom s’approcha des ruines des deux tours. Ce n’était plus que deux énormes tas de pierres au milieu desquels gisaient des corps que la vie avait quittés. Lorsque les tours s’étaient effondrées, Tom avait perdu tout espoir de voir son frère sortir vivant de cet immense bûcher. Son monde s’était écroulé, sa vie avait perdu le moindre sens, une partie de lui-même l’avait abandonné, s’éloignant avec sa moitié. Et il n’avait pas pleuré. Pas une seule larme, jusque là. Il ne pouvait pas y croire, son frère n’avait pas pu disparaitre si... simplement. Pas comme ça, pas sans qu’il soit à ses côtés, pas sans qu’il puisse lui chuchoter une dernière fois à quel point il l’aimait, et à quel point il n’était rien sans lui. Non. Il ne pouvait pas l’avoir laissé, on ne pouvait pas lui avoir retiré. Il ne pourrait pas vivre, sans lui. Il ne pourrait même pas survivre. Soudain, une dernière once d’espoir l’envahit. Il rêvait. C’était forcément ça ! Il rêvait encore ! Et bientôt, il ouvrirait les yeux, dans ses draps chauds, et irait voir son frère. Il le convaincrait de se faire porter malade, ils resteraient chez eux, regarderaient la télévision, il le prendrait dans ses bras, resterait ainsi des heures, se réjouissant de l’avoir tout contre lui, d’avoir ce qui lui était arrivé de mieux dans la vie à ses côtés. Il s’assit au sol, en tailleur, ferma les yeux avec force et attendit de sentir le monde basculer, de sentir ses vêtements s’envoler, ses draps se déposer sur lui, le moelleux de son matelas masser son dos. Mais rien ne se produisit. Rien. Il rouvrit les yeux, regardant autour de lui. Le même décor tragique s’offrait à ses yeux. Il ne voyait rien d’autre que de la tristesse, l’anéantissement... La réalité. Et il était seul. Totalement seul. On le prit par les bras, le relevant, et l’entraînant un peu plus loin. Il ne se débattit pas, mais ne fit rien pour paraître plus léger. Il se laissa traîner tel un pantin que la vie aurait quitté à son tour. On l’enroula dans une couverture de survie, on lui apporta de quoi se réchauffer, du chocolat chaud. Il n’aimait pas le chocolat chaud. Bill, si. Il se força, ne grimaça pas, et finit entièrement la boisson. Il sentit le liquide chaud couler en lui, ne le réchauffant pas le moins du monde. Il se sentit même changer. Comme si son cœur se transformait en pierre, comme s’il se fermait à tout jamais. La souffrance formait déjà sa carapace autour de son âme, dissimulant le trou béant que la disparition de son frère avait laissé. Blessure qui ne cicatriserait jamais, qui resterait à l’abri des regards, inaccessible à tout soin qu’on lui intenterait. Doucement, il se releva, la couverture d’aluminium glissant le long de son corps, et il avança à pas lents. Il s’approcha de ce qui serait la dernière demeure de son frère, survola les ruines du regard et s’effondra. Les larmes ne coulaient pas, il n’y arrivait pas. Il était comme la pierre, asséché, dur et impassible. Il resta allongé, là, longtemps. Plusieurs minutes, plusieurs heures, peut-être même l’avait-on prit pour une victime de cet affreux drame. Il se remémora les nombreuses années de bonheur qu’il avait passées avec Bill. Les années de gloire du groupe, tous ces merveilleux moments sur scène, le stresse la veille de la mise en vente de leur premier single, la joie lorsqu’ils bouclaient l’enregistrement d’un album, le bonheur lorsque leur nom retentissait dans une salle de milliers de personnes, lorsqu’il voyait son frère bondir de son siège, un sourire radieux fendant son visage. Ils s’enlaçaient, heureux comme jamais. C’était leur fierté, leur plaisir, leur bonheur, leur récompense. Et maintenant, tout ça n’avait plus la moindre importance pour Tom. Il aurait donné tout ce qu’il avait pour récupérer celui qui faisait son tout. Ses disques d’or et de platine, tous ses prix, sa célébrité, toutes ses années de gloire et de bonheur, tout. Il aurait vendu son âme au diable pour récupérer la seule qui l’importait. Il aurait donné sa vie pour la rendre à son frère. Il aurait tué pour le retrouver. Mais tout ce qu’il pouvait faire à présent, tout ce que le peu de force qui lui restait lui permettait, c’était de se laisser mourir. Attendre, attendre quelque chose qui n’arriverait jamais. Attendre un miracle qu’il ne ferait qu’espérer. On finit par le relever. Un homme en blanc, le visage maussade, des cernes creusant ses joues, les yeux fatigués de voir toute cette tristesse. Tom se laissa faire. Il laissa l’ambulance l’éloigner de son frère. De son corps, du moins. Il se laissa transporter dans un hôpital, il laissa les médecins lui implanter des perfusions inutiles dans les bras, il avala sans broncher des cachets qui ne feraient absolument rien. Il laissa ses paupières se fermer. Ce n’était pas la fatigue, non. C’était de l’abandon. Il abandonnait. C’était trop dur, il ne pouvait pas se battre contre ça. Non. Bill lui manquait déjà beaucoup trop. Et il n’avait même pas encore reçu le contrecoup de sa disparition... La porte de sa chambre s’ouvrit ; il garda les paupières closes. Il entendit des pas faire le tour de son lit. Il connaissait déjà leurs habitudes par cœur. On regarderait les résultats de ses analyses, on augmenterait la dose de morphine, on changerait sa perfusion, on tasserait son oreiller, en tirerait les draps sur lui, on soupirerait, puis on ressortirait. Il attendit d’entendre les pas s’approcher de sa tête, les gouttes de sa perfusion accélérer leur ascension. Mais rien ne vint. Il sentait parfaitement cette présence à ses côtés, il pouvait presque percevoir une respiration saccadée, il pouvait presque sentir une main caresser son bras, puis sa joue. Il pouvait presque sentir le goût amer des larmes sur ses lèvres. Presque. Il ouvrit les yeux avec difficulté. La main disparut, les larmes s’évaporèrent, la respiration se tue, mais la présence persista. Assommé par les médicaments, il dû faire un effort presque surhumain pour tourner la tête, dû cligner plusieurs fois des yeux pour retrouver une vision nette, et dû se mordre plusieurs fois la langue pour se convaincre qu’il ne rêvait pas. La vie était-elle vraiment si cruelle, au point de lui faire imaginer son frère ? C’est lorsqu’il sentit le goût du sang couler le long de son palais qu’il comprit. Et les larmes franchir enfin la barrière de ses cils. Des torrents de larmes, des torrents de tristesse, des torrents de peur. Des torrents qui laissaient place au bonheur et au soulagement. Il rassembla toutes ses forces, arracha ses perfusions et se redressa. Enfin, il passa ses jambes sur le côté et se leva. Le sol parut instable un instant, puis lorsqu’il retrouva son aspect véritable, Tom releva la tête. Il avait disparu. Il chercha autour de lui, il hurla le prénom de son frère, il mit sa chambre à sac, il arracha les prises, brisa tout ce qui était à sa portée. Et lorsqu’il franchit la porte de sa chambre, on attrapa ses bras et le tira à vers l’ascenseur. Il se débattit, appelant son frère, hurlant. En vain. Personne. C’est lorsqu’il vit cette pièce isolée, ces murs capitonnés qu’il comprit. Son frère était parti, et avait emporté sa raison avec lui. Il plongeait dans un gouffre, tombait dans un précipice sans avoir la moindre prise pour s’arrêter. Il plongeait la tête la première dans la folie.
Dernière édition par FreedOm' le Sam 15 Mai 2010 - 20:43, édité 1 fois | |
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