Il tourne en rond, ça l’énerve. Il l’énerve. Pourquoi passe t’il toujours en premier ? Pourquoi le délaisse-t-on autant ? Il lui souri, il rigole, il se moque. Il est dans ses bras, collé à sa poitrine, elle lui caresse les cheveux et lui murmure des mots doux à l’oreille. Il a encore ce sourire aux lèvres, ce sourire de vainqueur.
- Arrête donc de tourner en rond Tom, tu me donnes le tournis c’est affreux.
Il s’arrête et la fixe. Enfin non, il le fixe lui, lui lance un regard froid. Il ne l’aime pas, il le déteste. Cet être lui vole la femme de sa vie, là sous son nez. Et il ne peut rien dire. Il voudrait crier à l’injustice, mais il ne peut pas. Il se sent faible face à cet autre garçon Tom. Cette situation est étrange, si étrange. Elle le regarde amusée, puis tourne sa tête pour poser ses lèvres sur le front de l’autre. Il bouillonne, c’en est trop ! Il sort du salon en vitesse et monte à l’étage. Il doit décompresser. Mais comment ? Il veut se convaincre qu’il est le plus important dans le cœur de Suzie. Il veut être le seul à compter pour elle.
Où sont passés les jours où ils n’étaient que tous les deux, où ils pouvaient s’embrasser sans que lui ne les regarde, où elle s’occupait de lui, lui faisait ses repas, où elle lui faisait l’amour. A quand remonte leur dernier ébat ? Il ne sait plus, ne s’en souviens plus. Elle le délaisse totalement. Elle l’oublie. Tout le monde l’oublie.
Il est devenu si important pour tout le monde, Bill l’adore. Gustav et Georg également. Il perd sa femme, son frère et ses deux meilleurs amis par sa faute. Il les endoctrine par son rire, son regard, sa tête…
Enfin, il se calma et redescendit. Ils n’avaient pas bougé d’un poil tous les deux. Lui se tenait toujours contre elle, sa main dans la sienne. Il s’apprêta à faire demi-tour et décida que prendre l’air lui ferait du bien.
- Je sors, je vais prendre l’air, j’étouffe à la maison, déclara t-il à l’intention de sa femme.
- Oh quelle bonne idée ! Allons nous promener au parc toi, moi et Peter, il fait si beau dehors !
Tom ne put refuser devant l’air enjoué de Suzie. Il accepta en marmonnant quelques injures destinées à l’autre, son ennemi. Tom s’installa devant le volant avec Suzie à ses côtés et l’intrus derrière. Enfin sa femme était seule avec lui. Peut être n’était-il que derrière mais Peter n’était plus collé à Suzie. Alors il détourna les yeux de la route pour admirer sa femme, son âme sœur, son ange, le pourquoi de sa jalousie. Il a perdu la notion du temps perdu dans une parcelle de peau de son doux visage et a manqué la priorité à droite. Manque de chance une voiture est arrivée. Un violent choc. Un bruit assourdissant. Des blessés. Un mort.
Le front en sang et écrasé par l’air bag, Tom essaya tant bien que mal de se dégager. La première chose qu’il fit fut d’attraper la main de sa femme. Il tourna la tête vers elle et la vit sans expression, il comprit immédiatement. Elle était morte.
Puis des pleurs, ces cris irritants, il se retourna et le vit ensanglanté. Cette fois il ne riait plus, cette fois il ne se moquait plus.
Tom aurait voulu le laisser là, et peut être le laisser souffrir de blessures mais il ne le put. Malgré toute la haine qu’il avait envers lui, il n’eut pas le courage de l’abandonner. Il est sortit avec beaucoup de mal de la voiture, a ouvert la portière arrière, l’a détaché et l’a prit dans ses bras. Alors il a ressenti quelque chose de nouveau, quelque chose d’incroyable. Il a regardé l’être qu’il tenait dans ses mains et l’a serré fort dans ses bras. Il a tenté de le consoler. Il a voulu sécher ses larmes. Il en avait même oublié la mort de Suzie. Pour lui cela ne comptait plus ! Non, enfin il se sentait père.