OS : Petite fille.
Petite fille aux cheveux noirs. Qui savait tout sans le vouloir. Petite fille au sourire d'un Soleil. Pleurant chaque soir au seuil de son lit. Une vie banale, tout en restant tapissée de rouge et tamisée dans le noir. Petite fille qui n'a que pour seul ami cet ourson à moitié déchiqueté. Poussiéreux. Rongé par les mites. Parfois des contines chantées dans la nuit ; Celles que l'on lui apprend à l'école. Parfois des éclats de rire dans la journée. Comblant ce silence presque sacré de la maison. Papa et Maman rentreront-ils ce soir ? Elle ne sait pas. Sa grande soeur l'a abandonné. Elle est toute seule. Petite fille qui passe ses journées à souiller de boue ses chaussures, pour qu'elle s'amuse à les nettoyer avec Maman, lorsqu'elle revient à la maison. Activité sans équivoques, qui vaut pourtant de l'or dans ses yeux émveillés. Jouer à laver la vieille voiture crasseuse de Papa. Comme les grands. Simple adjectif que tant d'enfants veulent obtenir à tout prix. Et qu'ils veulent oublier, une fois qu'ils sont obligés de le supporter.
Maman pleure tous les soirs. Papa n'arrive pas à la consoler. Alors, ils pleurent tous les deux, sur le seul canapé de la pièce. Quand elle demande pourquoi ils sont si tristes, c'est toujours la même réponse. Ce même disque rayé et sale, qui tourne en boucle ; « Ca va s'arranger. Papa et Maman sont juste un peu fatigués. » Alors, Petite fille, elle est aussi malheureuse. Parce que c'est comme ça. Tous les gens comme elle sont désamparés depuis quelques temps. Mélancolie qui vous donne la nausée. Qui s'empare de vous, pour ne plus jamais s'enfuir. Elle ne va plus à l'école maintenant. C'est interdit pour les gens comme elle. Journées passées à jouer à la poupée. Les vitres de la maison sont sans cesses brisées en mille morceaux, par ces hommes au brassard rouge et noir. Maman ne travaille plus. Papa a été renvoyé. Elle ne joue plus dans la boue. La voiture a été brûlée. Plus jamais elle ne pourra être lavée de ses petites mains si fragiles ...
Puis un jour, on entre sans frapper. Des hommes armés. Prêts à tuer sur tout ce qui bouge. Maman qui crit d'aller se cacher. Cours Petite fille, ne les laissent pas t'avoir ! Cours ...Ne pleures pas. Ne regardes pas cette tâche empourprée sur la moquette. Accroches-toi, aggripes-toi à la vie. Pour tous ceux qui vont mourir. Pour nous.
Tu as seize ans aujourd'hui. Petite fille devenue grande. Tu as toujours cet ours en peluche avec toi. A moitié arraché par ceux qui veulent ta perte. Tes bras frêles qui battent la terre sans cesse. Ce Monde qui tourne. Ces hurlements déchaînés. Et cette odeur qui emplissent tes narines. Cette fumée. Ce bâtiment. Celui de la mort. Non Petite fille, n'abandonne pas. Ne les laissent pas te briser. Ne fermes pas les yeux aux rêves. Repenses à Papa et Maman, qui sont au Ciel, pour toi. Non, ne les rejoins pas. Ne réponds pas à cet homme. Continues ton chemin habituel. Ne le laisse pas appuyer sur la détente ...Pour eux. Pour nous.
Tu avais seize ans, Petite fille. Tuée salement. Tuée par des fous, avident d'utiliser la manière forte, pour faire disparaître toute personne différente à eux. Petite fille qui a retrouvé ses parents là haut. Du moins, c'est que tout le monde espère dans cette histoire. Ton histoire. Nuages lourds de tristesse, gris de lassitude. Regarder la vie d'en haut ; Rouge, Haineuse, et sale.
Tu vois Petite fille, comme le Monde est cruel.