J'espère que ça vous fera mal.
C'était fait pour, au départ.
Ceci n'est pas du sadisme gratuit.Un peu
beaucoup space.
Je ne pense pas que beaucoup aimeront.
Mais avec un peu de chance, quelques unes le feront. =]
Play Dead est de Björk.*
Playing dead
I.
- Tu viens, mon amour ?
- ...
Vire-moi ce sourire niais de ton visage, Bill. Il me tue. Et cette main tendue me répugne, range-la, tu sais bien que je ne la prendrai pas. Elle me tue. Laisse-moi seule encore un peu, tu sais bien que je ne supporte pas qu’on me relève sans cesse sans m’accorder le droit de rester dans la boue. Je ne sais plus en quelle langue te dire que je ne crois plus en rien, que c’est mort, qu’il n’y a plus d’effort à faire, aucun, plus aucun. Je ne sais plus comment te faire comprendre que tes espoirs me donnent la gerbe et que tes rêves me dégoûtent, ou comment te jeter tes imperfections puériles et candides à la gueule, que tu te prennes enfin en pleine tronche la stupidité de ces mots que tu me lances chaque jour sans t’en lasser.
- Allez, tu viens, mon amour ?
- …
Non, je ne viens pas, laisse-moi crever. Donne-moi un joint tant que tu y es, ça me détendra. Autant te demander la lune, hein ? Tu ne peux rien pour moi alors dégage, du balais. J’ai besoin d’arrêter de respirer, tu sais bien que l’air me fait trop mal. J’ai besoin d’arrêter de vivre, quoique non, ça je le fais déjà vingt quatre sur vingt quatre, j’ai juste besoin d'arrêter de faire semblant d’être vivante. Laisse-moi me reposer, mon masque m’étouffe. Laisse-moi me reposer, tu m’étrangles dans tes espérances.
Darling stop confusing me
With your wishful thinking
Hopeful enbraces
Don't you understand?
I have to go through this
I belong to here where
No-one cares and no-one loves
No light no air to live in
A place called hate
The city of fear- Ça va, mon amour ?
- ...
Putain mais non ça ne va pas, ok ? Ça ne va pas depuis longtemps et tu le sais très bien. Depuis le début tu le sais et tu t’accroches, je ne comprends même pas pourquoi. Je ne t’ai pourtant jamais promis que ça s’arrangerait. C’est toi qui t’es mis en tête de me faire changer d’état d’esprit, c’est toi qui t’es juré de me donner un avenir tout frais tout rose, avec des enfants peut-être qui sait, des voisins commères et des habitudes à se flinguer si tu veux mon avis. Tu t’en fous que je n’en veuille pas. Tu fais ça pour mon bien il paraît, ou en tout cas c’est ce que tu dis à tout ceux qui, exaspérés, te demandent du bout des lèvres pourquoi tu t’occupes du déchet que je suis.
- Allez mon amour, aujourd’hui est toujours un nouveau jour.
- …
J’en ai rien à cirer de tes nouveaux jours, moi je veux les anciens, je veux les souvenirs qui ne savent pas s’effacer et qui te rongent l’esprit, je veux m’engluer dans ma propre merde et m’automutiler de mes conneries qui n’en finissent jamais. Je veux pourrir dans un présent immuable, une mascarade grotesque où l’on en finit plus de rire, puisqu’on ne sait plus pleurer. Je ne veux pas de futur et plus que tout je ne veux pas y croire, je veux continuer à avoir peur de fermer les yeux comme de les ouvrir. Laisse-moi détourner le regard quand ta voix pleine d’optimisme me chante tes plus belles chansons d’amour, laisse-moi détourner le regard et courir vers les toilettes les plus proches pour vomir jusqu’à mes repas de la veille. Oui, je suis ignoble, je suis immonde, ça fait dix-huit ans que je me suis fait à cette idée et que tout le monde m’a tourné le dos, tu connais pourtant ma monstruosité, pourquoi tu ne l’as pas déjà fait, toi ? Je ne veux pas penser que tu pourrais être réel, que ça pourrait marcher. Alors par pitié, laisse-moi te tourner le dos la première, que tu t’effaces lentement mais sûrement de mon existence comme si tu ne l’avais jamais croisée.
I play dead
It stops the hurting
I play dead
And the hurting stops- Hey mon amour, mon amour mon amour, tu dors ?
- …
Tu vois bien que non, je n’ai pas encore appris à dormir les yeux grands ouverts, à ce que je sache. Je ne sais pas comment détacher mes yeux de ton visage sans maquillage, offert à la simplicité de tes draps. Tu m’as dit que j’étais la seule à en avoir vu la couleur, à pénétrer dans ta maison, la seule. Je ne comprends toujours pas pourquoi et ça me fait peur. Je ne dors pas, Bill, je ne dors pas mais je ne te répondrai pas. Alors tais-toi.
- Mon amour...
- ...
Bordel et arrête de m’appeler comme ça, trouve-moi autre chose putain, trouve-moi autre chose que ces deux mots qui font rater deux ou trois battements à mon cœur à chaque fois que tu les prononces. Trouve-moi autre chose, ça me fait tellement mal, trouve-moi autre chose, même si je n’ai pas de prénom, même si ça illumine tes yeux à chaque fois, trouve-moi autre chose que ces deux mots abjects. Ça me tue, tu me tues. Je n’en peux plus tu sais, Bill. Je n’en peux plus, laisse-moi seule un moment. Laisse-moi seule à jamais. Disparais, que je puisse te regretter.
It's sometimes just like sleeping
Curling up inside my private tortures
I nestle into pain
Hug suffering
Caress every ache- Mon amour, réveille-toi…
- …
Je m’enlise dans ma souffrance et ça me plaît, à en mourir de rire, cette douleur abominable, inconsolable. C’est mon âme qui est malformée, c’est mon âme à qui on n’a jamais appris qu’à hurler. Je me complais dans mon supplice, qu’est-ce que ça peut te foutre ? Je t’en prie ne dis pas que tu m’aimes, ou je ne sais quelle imbécilité qui y ressemblerait de près ou de loin. On sait tous les deux que ça ne serait pas une bonne idée. Les étoiles et le néant ne se font jamais l’amour, ça se saurait. Laisse-moi retourner à mon vide et reviens-en à ta vie de paillettes qui doit tant te manquer quand tu t’obstines à me redonner une couleur, comme tu dis. Ne m’ôte pas mes épines, Bill, n’essaie plus d’apaiser mon calvaire. Ça ne sert à rien, je n’aime plus la vie, je la hais viscéralement. Ma Géhenne c’est ce monde, tu ne peux pas m’apporter le Paradis, je n’en veux pas. Et si tu me l’offrais, je le refuserais une infinité de fois plutôt qu’une.
- Mon amour, s’il te plaît, au moins cette fois, s’il te plaît.
- …
Ta gueule, ta gueule, ta putain de gueule, je n’en peux plus de la voir d’ailleurs elle me rend folle. Je sais bien qu’aujourd’hui est un jour spécial, ça fait six mois que tu m’as ramassée au beau milieu de mes pavés chéris, ça fait six mois que tu dis être tombé amoureux d’un monde endormi que tu as hâte de voir se réveiller. Seulement je ne dors jamais, Bill. Je ne dors jamais, je joue la morte, et sûrement que je le suis devenue à force. Je suis morte et tu n’auras jamais rien de plus de moi que cette carcasse qui repousse chacune de tes approches, qui fait deux pas en arrière chaque fois que tu en fais un en avant. C’est aujourd’hui ce maudit anniversaire, alors cette fois plus que les autres je ne te répondrai pas. Avec un peu de chance, tu baisseras les bras, tellement tu auras de la peine. Avec un peu de chance tu m’abandonneras et j’aurais eu raison, depuis le début. Ta place n’est pas ici, cessons ce jeu qui tourne en rond. Vas t’en pour de bon.
I play dead
It stops the hurting- Mon amour, si tu crois que je ne sais pas ce que tu penses…
- …
- Tu ne m’auras pas, mon amour. Tu ne m’auras pas.
- …
- Je ne te laisserai pas.
- …
- Tu auras beau me claquer toutes les portes du monde à la gueule, je ne te laisserai pas. Jamais.
- …
- Je t’aime, mon amour. Je t’aime et quoique tu dises, quoique tu fasses. Je t’aime et même si ça fait mal à en crever jamais je ne lâcherai cette main qui ne se lasse pas de me fuir.
- …
- Parce que je sais, mon amour, laisse-moi être sûr de cette déclaration orgueilleuse, je suis certain oui, mon amour, que tu m’aimes aussi.
Laisse-moi mourir, Bill. Maintenant.
Que je ne puisse jamais te dire à quel point tu as raison.
Nao.