[T.] Aime-moi, Anna...aime-moi. II

Je n'eus rien le temps d'ajouter, tellement son étreinte me fit du bien, tellement je me sentais bien dans ses bras.
Il sentait le tabac à plein nez, ce qui indiquait qu'il avait fumé quelques minutes auparavant.
Et cette simple odeur m'enivra. Mes larmes stoppèrent leur folle chute, et mon cœur s'emballa.
C'était si bon. Si réel. Si simple.
J'eus l'impression de respirer pour la première fois depuis quelques semaines.

Il ne dit rien. Rien du tout, et se contenta de me caresser doucement les cheveux.
Il desserra l'étreinte, passa une main sur ma joue, moment que je savourai en fermant les yeux.
Je sentis son souffle chaud sur mon visage, et savais pertinemment ce qu'il allait faire.
Son front se posa contre le mien, son nez effleura le mien...et je détournai la tête.
Un peu trop brusquement sans doute, parce que ses yeux semblaient complètement perdus.
Ils m'interrogeaient, et le manque de réponse de ma part l'incita à recommencer ce geste qui me détruisait de l'intérieur.
Il saisit mon visage, à deux mains, et l'approcha du sien...

Mes derniers mots eurent l'effet d'une bombe.
Il me fixa, dubitatif, et eut du mal à retenir une larme de couler le long de sa joue.
Il s'avança de nouveau vers moi, m'effleura doucement le cou, me faisant frissonner,
et toucha du bout des doigts la chaine, puis la bague.

Et sans se retourner, il me laissa là.
Je me retins de crier son nom, de lui courir après, de l'embrasser comme jamais je ne l'avais fait.
Lui crier qu'il avait raison.
Mais ma cicatrice, marque des trois dernières années sans lui, me rappela jusqu'où mon amour pour lui pouvait m'amener.

Oui, j'avais besoin de lui.
Mais j'avais aussi envie d'autre chose que cette foutue peur qui me bouffait les tripes chaque fois qu'il était là,
chaque fois qu'il me prenait l'envie d'aller le trouver pour lui dire
« Je t'aime, je t'ai toujours aimé, et je n'aimerai que toi. ».
Envie d'autre chose que de laisser tourner mon monde uniquement autour de lui.
Je ne pouvais plus me raccrocher uniquement à lui, à ce que j'éprouvais quand il était là,
au désespoir que ma situation m'apportais de jour en jour.

Ça aurait été beau, oui, que je retombe dans ses bras, que je dise amen à tout ce qu'être avec lui impose.
Qu'on vive heureux, amoureux.
Mais le hic, c'est que cette envie d'être heureuse était ensevelie sous trois ans de souffrance,
sous le poids de la peur de souffrir à nouveau, sous le poids du doute.

Il resta bouche-bée, frappé par mes mots.
Il était comme pétrifié, et c'est au bout de cinq minutes qu'il réalisa vraiment, et qu'il me laissa, cette fois pour de bon.
Et le seul truc qui me passait par la tête, à cet instant précis, c'était que j'avais besoin de quelqu'un.
De quelqu'un comme Matteo. Quelqu'un comme lui, qui me rendrait le sourire.
En fait, il ne me fallait pas quelqu'un comme Matteo.
Il me fallait Matteo.

Je ne savais pas vraiment ce que j'attendais de cette conversation. Un peu de soutien sans doute.
Quelqu'un qui se préoccupe uniquement de moi, et qui n'ait pas d'intérêt ailleurs.0
Quelqu'un qui ne joue pas double jeu, comme Bill et Julie.
Parce qu'aussi gentils qu'ils étaient avec moi, ils voulaient nous voir à nouveau ensemble,
Tom et moi, sans vraiment chercher à comprendre pourquoi je ne voulais pas de ça.

Je m'assis sur le lit. Et je l'attendis, la tête prête à exploser.
Et dix minutes plus tard, pas plus, pas moins, il était là, me serrant dans ses bras,
me rassurant rien que par sa présence.

J'inspirai, et me lançai, tremblante.

Il retenait son souffle, sachant pertinemment où je voulais en venir.

Je relevai les yeux, et croisai son regard désolé. Il n'avait pas besoin de parler, et il le savait.
Il me connaissait mieux que personne ici, si loin de mon Allemagne, de Katerin, de ma soeur, de Francesca, de Gustav...
Si loin des seules personnes qui me connaissaient vraiment.
Il me prit à nouveau dans ses bras, et nous restâmes là, enlacés,
comme si le monde autour de nous s'était arrêté de tourner.
J'aurais d'ailleurs réellement aimer que ce soit le cas, que le temps soit comme suspendu,
que ce moment nous ait transporté dans un autre espace temps, un dans lequel je n'aurais jamais rencontré Tom,
dans lequel je ne l'aurais jamais aimé.
Un endroit calme paisible, dans lequel j'aurais été mariée à Matteo,
où nous aurions été parents de quelques merveilleux bambins qui nous auraient comblés de bonheur.

Nos cœurs battaient tous deux la chamade.
Lui parce qu'il m'aimait encore, moi parce que j'avais l'espoir qu'en y croyant très fort,
je puisse ressentir de nouveau un amour véritable pour lui, qui me rendrait la vie tellement plus facile.
Mais, la réalité me rattrapa et piétina toutes mes espérances.
J'aimais Tom.
J'avais mal de l'aimer tant, tellement mal que l'envie d'en finir m'effleurait trop souvent l'esprit.

Je hochai de la tête, et il me sourit tendrement.

Il mettait dans le mille, encore une fois.
Il se leva, et puis se souvint que je n'avais rien dans le ventre,
et se dirigea dans la cuisine pour me servir un gros bol de céréales.
Il déposa un baiser sur mon front, tendrement, et me dit doucement :

Il me laissa là, et je fixai longuement la porte après qu'il soit parti.
Puis, je fixai longuement ce foutu bol qui ma faisait tellement envie, mais que j'avais peur de manger.
Et si j'avais envie de me faire vomir, après ?
Je méditai quelques minutes, histoire de voir ce que je ressentais.
Au final, je me rendis compte que la présence de Matteo m'avait complètement apaisée.
J'étais juste triste, mais rien d'aussi violent qu'avant qu'il ne vienne.
Je me fis donc un plaisir immense de dévorer cet appétissant bol de céréales.
Merci Matteo.