[T.] Aime-moi, Anna...aime-moi. II

Cette voix me fit sursauter, et je vis Julie, derrière moi.

Elle me saisit par le bras, et m'aida à m'asseoir sur le lit.

J'acquiesçai, séchant tant bien que mal les larmes qui n'en finissaient plus de tomber.

Je la fixais, complètement sonnée. Comment savait-elle ?
Elle pencha légèrement la tête, me jaugea du regard, et rit.

Je ne répondis rien.
Elle me frotta énergiquement le dos, histoire de me remonter le moral.

Je secouai vivement la tête, préférant le déni total, plutôt que la vérité.

Elle me sourit, doucement.

Je hochai la tête, les larmes redoublant d'intensité le long de mes joues.

Elle se leva.

Elle me prit la main, me leva, et m'enlaça avec force.

Elle me sourit, et nous nous mîmes en route.
Elle m'avait aidé à trouver une chaîne dans laquelle j'avais enfilé la bague, puis l'avais dissimulé sous mon t-shirt.

[…]

Elle me serra dans ses bras, et nous nous dirigeâmes vers la salle dans laquelle Gustav était.
Il était déjà posté derrière son instrument, et se leva pour m'enlacer, et m'embrasser sur le front.

Peu à peu, la salle se remplit de personnes plus ou moins vieilles,
et les filles et moi, nous nous installâmes sur des chaises dans le fond de la salle.
Et soudain, il arriva. Il semblait déterminé, mais fatigué. Très fatigué.
Il vint, l'air de rien, faire la bise à Ileana et Julie, puis se planta devant moi, hésita quelques secondes,
puis se pencha pour faire de même avec moi.
Son parfum m'enivra, m'enveloppa et me transporta dans un autre monde.
Je vis alors sa main se lever, pour effleurer la chaîne que j'avais autour du cou.
Je paniquai, et lançai un regard alarmé à Julie, qui ne fit rien d'autre que de me regarder gentiment.
Elle ne semblait pas comprendre ce qui m'effrayait tant.
Tom sortit la chaîne de sous mon t-shirt, et se figea lorsqu'il aperçut la bague. Il la laissa tomber, comme sonné,
et tourna les talons pour aller se placer non loin de Gustav.
Bill arriva après, avec Georg, qui ne manqua pas de détendre l'atmosphère.

Il vint vers moi, me serra dans ses bras, puis rit en voyant la moue gênée des « élèves » présents pour le cours.

Les gens sourirent tous un peu, et se recentrèrent sur la batterie de Gustav.
Je me sentais mal, sous le regard perçant de Tom, oscillant entre peine, et une rage nouvelle,
qui faisait des sortes d'étincelles dans ses yeux.
Il était animé d'une sorte de détermination, d'envie, de force qui me déstabilisa.
« Matteo, où es-tu quand on a besoin de toi ? », me demandai-je, en proie à un sentiment de malaise.
Tout cela était trop dur. Bill, Tom et Julie avaient les yeux rivés sur moi,
et je ne comprenais pas pourquoi ils avaient tant l'air de mèche tous les trois.
Ileana était hypnotisée par le jeu de Gustav, ou plutôt par son corps – il s'était mis torse nu –.
Georg discutait avec des élèves, qui apparemment, jouaient de la basse aussi.
Et je me sentis vraiment seule, et nue sous le regard insistant des trois acolytes.
J'en voulus soudain à Julie de m'avoir emmené ici.

Mon portable sonna, coupant le batteur dans son élan,
et provoquant la curiosité de toutes les paires d'œils présentes dans cette salle.
Je rougis violemment, avant de répondre, d'une voix basse :

Tom comprit à qui je téléphonai, de même pour tous les autres.
Bill et Julie, se parlèrent du regard, et Ileana n'avait pas quitté Gustav des yeux,
ce dernier le lui rendait d'ailleurs plutôt bien, puisqu'il lui souriait béatement.

Je raccrochai, soulagée.
Je sortis, faisant un simple geste de la main pour saluer toute la salle.
Je commençai tout juste à descendre les marches pour sortir, quand une main m'attrapa le bras.

Son ton était suppliant, mais ferme, exigeant une réponse de ma part.
J'étais confuse, et ce fut avec un peu de mal que je répliquai :

Matteo venait d'entrer dans la boutique, et nous observait depuis le bas des escaliers.
Tom lui lança son regard le plus noir, si dur, limite assassin.

Tom me lâcha, contraint, et je me précipitai dans les bras de Matteo, qui me prit par l'épaule,
et m'embrassa sur le front, d'une manière protectrice qui signifiait implicitement : « Elle est à moi. ».

Si Matteo avait eu une mitraillette à la place des yeux, en ce moment très précis...
Tom serait mort d'une centaine, que dis-je, de plusieurs centaines de balles dans le corps en quelques secondes.
Mais l'inverse s'appliquait également.
Un peu plus, et je me serais cru en pleine guerre mondiale.

Son regard fuit, fuit encore. Elle n'est plus mienne.
Je la vois se diriger vers la salle de bain, je la suis. Elle ne dit rien, elle sait que je suis là.
Elle ôte son t-shirt, et là...elle m'assène inconsciemment un coup de poignard,
au bout de cette chaine en argent qui pend à son cou.
Mon sang ne fait qu'un tour, et je me précipite vers elle, saisis l'objet de ma colère et m'écris,
un peu peiné, la faisant sursauter de surprise :

Elle se tait, interdite.
Comme si elle savait que j'avais raison.
Comme si elle savait qu'elle m'achèverait si elle le disais.

Une fois dehors, je me mets à pleurer. Ça ne m'arrive jamais. Encore moins devant elle.
Je me dois d'être fort. Mais je n'y arrive plus.
Je ne peux plus la regarder sans le voir au fond de ses yeux,
je ne peux plus la toucher sans m'imaginer qu'il lui fait plus d'effet que moi.
Chacun de ses regards me fait mal, et je ne sais plus quoi faire pour la garder.
Je sais que c'est peine perdue.
Parce que l'amour qu'elle a si soudainement refoulé au plus profond d'elle il y a 3 ans est tellement énorme,
tellement impulsif, tellement incontrôlable, qu'il va ressurgir aussi rapidement qu'il a été enfoui.

Elle aura beau prétendre le contraire, elle aura beau me dire qu'elle m'aime, je sais que ce n'est pas la vérité.
Que c'est seulement ce qui la rassurerait de ressentir.
Que c'est ce qu'elle espère, ce qu'elle voudrait, pour moi, pour ne pas me faire souffrir.
Pour ne pas sombrer à nouveau dans le doute constant qui caractérisait la fin de sa relation avec Tom.
Elle aimerait être cette fille-là, celle qui m'épouserait, et vivrait avec moi, heureuse jusqu'à la fin de ses jours.
Mais elle n'est plus cette fille-là.
À notre plus grand regret, à tous les deux, elle est redevenue la future Mme Kaulitz.
On le sait. Tous les deux.
Mais on s'enferme dans l'illusion que peut-être, peut-être, avec un peu de volonté, on pourrait recoller les morceaux.