[T.] Aime-moi, Anna...aime-moi. II

Matteo et moi, depuis l'exposition, nous n'étions plus pareil.
Plus aussi proches, plus aussi joueurs.
Je l'avais blessé dans son honneur, dans sa fierté, dans son amour-propre.
Il savait que je pensais à Tom constamment,
que je ressassais notre histoire, notre passé, tout ce qui nous avait concerné.
Je cherchais surtout à comprendre pourquoi. Pourquoi j'étais partie avec lui,
pourquoi j'avais cette bague encore accrochée à mon cou.
Pourquoi après tout le mal qu'il m'avait fait, je m'accrochais encore à tout ça.

Matteo m'avait même surpris avec la bague autour du cou, et avait piqué une colère noire.
Je le comprenais, m'étais excusée, il m'avait dit que « Je retombais dans les bras de Tom ». Nous le savions tous les deux, mais aucun d'entre nous n'avait envie d'abandonner les rêves idéaux d'avenir que nous avions eu ensemble. Aucun de nous deux était prêts à renoncer à l'autre, à ce qu'il nous avait apporté. Nous ne pouvions pas nous résoudre à tout laisser tomber. Malheureusement, nous savions bien que nous arrivions peu à peu à un point de non-retour.

[…]

Je me dirigeai en direction de la boutique, pour dire au revoir à Gustav et Ileana, qui rentraient à Hambourg finaliser les préparatifs du mariage, qui se déroulait dans un mois. Je ne voulais pas me retrouver là-bas, le croiser, croiser son regard. Je ne voulais qu'il regarde mon cou, qu'il y voit cette foutue bague, qu'il m'embête encore avec ces certitudes à la con. Je ne le voulais pas, parce que je me sentais trop faible pour lui résister. Je ne voulais pas lui pardonner, je ne voulais plus souffrir.
J'arrivai donc dans la boutique. Personne, à part Ileana et Gustav. Je leur fis la bise, et m'assis auprès d'eux.

Je ris jaune, et ils s'en rendirent compte.

Je ne pus cacher ma peine plus longtemps.

Ils se turent, interdits. Gustav m'enlaça avec force pour me signifier qu'il était là pour moi.
Je ne pus sangloter. Je n'en avais même pas la force.
En fait c'était même pire que ça.

Gustav fit un signe discret à Ile pour qu'elle se taise. Il me connaissait par cœur,
et savait pertinemment qu'il fallait me laisser parler quand je commençais un déballage de sentiments.

Je ne sus quoi dire d'autre, j'avais vidé mon sac, et ils m'avaient patiemment écouté.
Ils n'avaient rien dit, rien ajouté, me laissant méditer moi-même sur ma situation,
me laissant moi-même en tirer les conclusions qui s'imposaient.
Mais je ne voulais pas l'admettre. Je ne pouvais pas l'admettre.
Parce qu'admettre que j'aimais encore Tom, c'était comme oublier la douleur de notre rupture.
Or, vu la taille de la cicatrice que je me trimballais sur le flanc gauche, oublier semblait impossible.

Nous nous retournâmes tous les trois en direction de cette voix féminine,
qui sortait de la bouche d'une grande blonde platine siliconée.

Elle s'en alla d'un pas guilleret, nous laissant tous les trois complètement cois.
Je bouillais de l'intérieur, et la bague autour de mon cou sembla peser une tonne.
Je savais qu'en le choisissant j'allais encore souffrir, mais à ce point c'en était presque absurde.

Je les embrassai furtivement, et m'en allai.
J'étais à présent sûre de deux choses : d'une, quitter Matteo restait douloureux à admettre,
mais semblait la meilleure chose à faire.
Deuxièmement, j'allais devoir ruminer mon mal-être et mon amour pour Tom seule face à moi-même.

[…]

Nous nous scrutâmes du regard, anxieux. Nous savions ce qui allait se passer.
Nous savions que la peine et le regret allaient nous consumer peu à peu.
Nous savions que nous détruire était la seule solution pour nous permettre de renaître de nos cendres.

Son visage était ravagé, ses yeux rougis, sa voix troublée.
Il avait pleuré, et ça s'entendait.
Je n'avais pas envie de pleurer. Mais je n'avais pas envie de rire pour autant.
J'étais mal à l'aise, je voulais en finir rapidement avec tout ça.

Il me regarda, baissa les yeux, releva les yeux en ma direction,
ouvrit la bouche pour dire quelque chose qui semblait lui brûler la langue,
puis se ravisa et baissa la tête pour fixer ses pieds, qui apparemment étaient moins intimidant que mes yeux.

Il ne dit rien, m'embrassa tendrement le front, prit son sac et quitta le loft.
C'est alors que je me rendis compte de ce qu'il venait de se passer.
Matteo était parti, Gustav et Ileana aussi, Julie et Bill voulaient me remettre avec Tom,
qui n'avait rien trouvé de mieux que de se caser avec une pouffiasse californienne jusqu'au bout de ses seins siliconés.
Je me laissai donc glisser le long de la porte, et retins un cri de désespoir.

Que faire maintenant ? Je ne savais pas.
Je ne voulais pas retomber dans les bras de Tom. De toute façon, il était casé, maintenant.
C'était dur à admettre, ça aussi. Il était aller de l'avant, comme je l'avais fait avec Matt.
Je ne pouvais pas le lui reprocher.
De toute façon, de nous deux, c'était lui qui avait, il y a trois ans déjà, été le plus rapide à tourner la page.
Il avait sauter fille sur fille, pendant que je me morfondais auprès de Katerin et Matteo.

Je me dirigeai vers mon lit, sur lequel je me laissai lourdement tomber,
et plongeai lentement dans un sommeil qui promettait d'être agité.