[A]-Delomelancum

Un peu plus loin derrière, Georg suivit du regard le jeune chanteur qui venait de se lever de son siège pour se diriger vers les toilettes, puis il pencha la tête en arrière en fermant les yeux pour s’appuyer sur le dossier confortable. Le voyage allait être très long et il ne pouvait s’empêcher de penser, ou plutôt d’imaginer, ce jour où Will avait périe. Il la voyait hurler, pleurer, supplier… Toutes ses images créées de toute pièce par ses soins l’avaient hanté cette nuit et empêché de fermer les yeux durant plusieurs heures. Il s’était retourné un nombre incalculable de fois dans ses draps blancs… Jusqu’à ce qu’il finisse par abandonner et rallumer la lumière avant d’appeler son ami au secours. Et justement cette voix familière le ramena sur terre, ou dans les airs.

Gustav : Tu crois que Tom a préparé un discours ?
Georg : Pour… ?
Gustav : Pour Will. Pour son enterrement.
Georg : Je doute qu’il ait pensé à ça cette nuit.
Gustav : Tu penses qu’un jour, on se remettra de tout ça ?
Georg : On dit que le temps finit par guérir toutes les blessures…
Gustav : Espérons que ce soit vrai...

Ils soupirèrent tous deux en même temps avant de regarder attentivement Tom qui s’était brusquement levé pour stopper une jeune fille qui retournait s’asseoir. Il l’avait, semble-t-il, prise pour leur amie décédée… La jeune femme, pensant qu’il n’était qu’un pervers malintentionné qui refusait de la lâcher, lui donna une gifle attirant ainsi l’attention de tous les passagers. Après ce malencontreux évènement, Bill avait discrètement glissé un somnifère dans le verre d’eau de son frère pensant qu’il devenait nécessaire pour lui de dormir un peu pour éviter de nouvelles hallucinations telles que celles-ci.

Lorsqu’ils arrivèrent dans leur ville natale, ils passèrent déposer leurs bagages chez leurs parents avant de se rendre directement aux funérailles. Bill détailla chaque personne présente, il n’y en avait qu’une dizaine pour tout dire. Tout le monde semblait avoir finit par l’oublier durant toutes ces années… Comme elle l’avait souhaité.

Tous autour du cercueil prêt à être recouvert de terre, le prêtre commença à lire quelques passages de la Bible. La voix du vieillard résonnait dans la tête du guitariste. Il n’écoutait pas, il préférait sentir chaque goutte de pluie qui tombait sur son visage et se mêlait à ses larmes. Depuis qu’ils étaient arrivés, il avait eu son regard fixé sur l’herbe sur laquelle il avait marché. Il n’arrivait pas à y croire. Il n’arrivait pas à penser un seul instant qu’un corps se trouvait dans cette boîte. Le ciel faisait part de son mécontentement, il grondait, menaçant au-dessus de leurs têtes. Tom avait soudainement besoin de voir, il voulait être sûr qu’il s’agissait d’elle… Il leva les yeux vers le cercueil, fermé. Bien évidemment, il n’aurait probablement jamais sa preuve. Il ne pourrait jamais la revoir une toute dernière fois. Il passa sa main sur son visage pour essuyer toute cette eau salée qui lui brouillait la vue et aperçut ainsi, comme-ci la foudre venait de s’abattre sur lui, cette personne. Surpris et en colère, il donna un coup de coude à son jumeau qui ne réagit pas immédiatement, mais leva à son tour son regard.

Monsieur Miller se tenait là. Face à eux. Bien droit, les mains jointes dans son dos. Tom ressentait de la haine à cet instant précis et non plus de la tristesse, il avait envie de lui sauter dessus et de le frapper jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Le chanteur le sentant bouillir de rage à ses côtés, comme un réflexe, il serra ses doigts autour de son poignet fin les ramenant directement quinze ans en arrière...


Flash Back.
Tom était caché derrière la porte d’entrée grande ouverte. Seule sa tête blonde dépassait pour fixer son plus jeune frère qui se tenait debout, dos à lui, en plein milieu du petit jardin. Il comprit rapidement en voyant ses épaules tressauter et l’entendant renifler, qu’il pleurait. Sentant comme une douleur profonde au fond de son cœur, il s’approcha lentement et silencieusement derrière lui avant d’attraper son poignet et de le serrer aussi fort qu’il le pouvait pour son âge. Il se colla tout contre lui et posa délicatement sa tête sur son épaule.

Tom : Pourquoi tu pleures ?
Bill : Toi tu vas rester avec maman et moi je vais devoir partir avec papa…
Tom : Pourquoi tu dis ça ?
Bill : C’est Elisa qui me l’a dit à l’école. Elle a dit que quand ses parents se sont séparés, son frère est partit avec sa mère et qu’elle, elle est restée avec son père. J’veux pas que tu partes, Tom. J’veux que tu restes avec moi toute ma vie !
Tom : Jamais ils ne pourront nous séparer. J’me battrais avec eux s’il le faut ! Tu verras, on leur dira qu'on n'est pas fait pour ça ! Que nous, c'est tous les deux ou rien ! J'te le promets !

A ces mots, Bill essuya ses larmes d’un revers de la main et continua de regarder ses parents déposer de gros cartons remplis d’affaires personnelles dans le coffre de la voiture. Ils n’avaient pas été préparés à affronter une telle chose, surtout par à leur âge, mais ils avaient dû faire avec. On ne leur avait pas donné le choix. La seule chose qu’ils s’étaient promis de toujours imposer aux autres, c’était de n’être jamais séparé par quoi que ce soit et par qui que ce soit.
Flash back off.


Ce jour avait été l’un des plus difficile de toute leur vie, aujourd’hui, il s’en agissait d’un autre. Tom pensa à ce moment qu’il avait presque faillit à sa parole. Qu’il avait presque laissé Will les séparer. Mais il n’en oublia pas pour autant cet abominable père qui se tenait face à eux. Il murmura à son frère de le suivre sans poser de question et avant même qu’il n’ait pu lui demander ce que ça signifiait, le guitariste quitta la cérémonie funèbre pour se diriger vers les voitures. Ils grimpèrent tous deux dans celle où leur chauffeur attendait. Tom lui donna l’adresse et c’est ainsi qu’ils partirent pour une prochaine étape qui allait s'avérer très périlleuse. Ils descendirent du véhicule qui s’était garé à l’angle de la rue puis ils longèrent cette dernière à pieds jusqu'à ce qu'ils se stoppent net devant une gigantesque maison.

Bill : Tom… Qu’est-ce qu’on vient faire chez Will ?